Plus de deux semaines déjà de passées depuis mon dernier article ; je manquerais presque à mes devoirs ! Voici donc en intégralité la suite de notre périple, pour le moins agité. Je vous vois venir mais NON, ceci n’est pas un jeu de mot déplacé visant à relativiser les événements récents qui se sont produits en Nouvelle Zélande , je ne me permettrais vraiment pas…
Revenons donc à notre magnifique et inimaginable roadtrip. Jusque là, il faut dire que nous avions eu beaucoup de chance, tout s’était plus ou moins déroulé comme nous l’avions espéré et rien ne semblait plus pouvoir nous arrêter.
30 octobre
Nous atteignions donc le lac Taupo, difficile de le visualiser dans sa globalité dès notre arrivée, le temps n’étant pas forcément avec nous ce jour là. Nous avions trouvé un spot plutôt sympa près des Huka Falls, où nous sommes d’ailleurs restés deux nuits d’affilé. Nous avons tenté d’atteindre une rando qui nous paraissait belle, en remontant le lac par le côté. Bon maintenant que j’y repense, on était encore à nos « débuts innocents » sous estimant encore bien trop le critère « le nombre de km n’est un pas un bon indicateur du temps que ca va vous prendre ». Après une heure et demi sur une route plutôt entretenue, il ne nous restait que 7km sur une superbe gravel road impraticable. Résultat des courses, on en a parcouru un kilomètre et demi depuis la route principale, on s’est arrêté et on a pris l’apéro. L’apéro ressort clairement comme la solution de repli à toute situation inconvenante ou surprenante, ce qui est bien avec ce genre de phénomène, c’est que cela reste internationalement convertible ! On est donc, après avoir marché un peu pour le principe quand même, un peu rentré bredouille. La soirée était plutôt relaxante, verres de vin au bord du Lac avec Oscar, rencontré la veille plus haut, et planification d’un semblant de journée productive pour le lendemain.
Pleine d’enthousiasme et de bonne volonté, nous nous sommes donc levées du bon pied et nous sommes partis à trois, avec notre compagnon de la veille, pour une rando sur le mont qui surplombait la ville de Taupo, histoire de prendre un peu de hauteur. Après avoir marché une bonne heure en montée, sur un senti enfoui dans une forêt toujours plus sauvage, nous atteignions le pic et là la vue était imprenable ! D’un côté, les vastes champs et décors plats dignes d’une campagne du fin fond de la Belgique, de l’autre, le lac encadré par les montagnes à son extrémité. Le paradoxe de ce paysage nous donnait une vision simultanée d’un chemin passé et d’un futur horizon à rejoindre prochainement.
On s’est détendu dans une hot pool l’après-midi. J’étais assez sceptique quant au concept mais une fois arrivée à l’intersection où les chutes d’eau bouillantes se jetaient dans la rivière, j’ai bien du remballer mes faux a-prioris. Moi et mon grand esprit scientifique ne parviendraient pas à vous expliquer en détail les sources de ce phénomène naturel géothermique, pour ne pas changer, mais en tout cas on en a bien profité. On a repris la route, après une douche un peu masquée dans ce lieu où les gens viennent se prélasser aussi aisément que nous qui sortions notre savon, bien qu’après coup nous ayons jugé notre action quelque peu inconvenante. Bref autant vous dire que plus le temps passe en van, plus vous laissez votre fierté de côté pour (re)venir à certains besoins élémentaires dont on a quand même du mal à se passer.
1er & 2 novembre
En cette belle fin de journée, nous repartions donc avec Lulu vers le Tongariro National Park. La route était magnifique, nous longeant le bord du lac par l’autre côté, comme deux filles parties chercher la grande aventure, sous un coucher de soleil qui vous déscotcherait un paresseux de son arbre. C’est typiquement ce genre de moment qui vous fait sentir libre. C’est exactement ce genre d’instant qui vous fait comprendre que vous n’avez besoin de rien d’autre que le spectacle permanent que vous offre la route pour vous satisfaire de ce que le voyage est capable de vous offrir, juste en conduisant. C’était comme si nous étions ailleurs, quelque part perdues dans notre réalité qui se confondait avec notre imagination, cherchant à capturer dans nos têtes le moindre de ses instants. A chaque virage, nous étions un peu plus émerveillées, face à la lumière qui se reflétait sur l’eau du lac. Abstenez vous de trop de rêverie ; dès le lendemain, on a rapidement déchanté ! Mais avant cela, on a passé notre soirée avec des canadiens rencontrés au soir autour d’un feu, en mangeant des marshmallows sur un fond de country, cliché mais bien réel ! C’était plutôt incongru, mais assez plaisant. On savait déjà assez à cet instant que nous ne pourrions pas faire le Tongarigo alpine crossing tant attendu pour le lendemain mais avions décidé d’au moins aller voir la région ! Bien que nous tentions de ne pas nous laisser couler par la déception de ne pas pouvoir faire cette fabuleuse rando au Tongariro, notre détermination s’est vue encore quelque peu écorchée au réveil. Un brouillard et une pluie à vous plomber votre premier café du matin. On a malgré tout testé la petite ballade de deux heures mais on a bien vite compris qu’il valait mieux dégager vite fait de là. Et c’est là qu’on a eu la grandiose idée de rejoindre le Parc National d’Egmont et le Mont Taranaki qui en fait parti, sur la côté ouest, par la réputée Forgotten World Highway. Déjà avec le nom, on aurait quand même pu se douter que ce n’allait pas être de tout repos. FORGOTTEN WORLD HIGHWAY, ça y est, t’as saisi maintenant ?
Non mais je suis sérieuse, laisse tomber, on se serait cru en plein film surréaliste/beau mais d’horreur, bref chelou mêlant virages menaçant de vous faire plonger dans le fossé à la moindre inattention, gravel roads interminables habitées par des animaux se baladant dans tous les sens, tunnel digne d’une entrée de mine aussi oppressante que mignonne de celle des sept nains, et villes semi vivantes qui vous font réaliser que vous êtes loin, très loin de toute civilisation.
Bon on a vraiment atteint le moment critique quand on s’est rendu compte que le prochain village par lequel on passait s’appelait « Ghost Twon », sérieux les gars, vous avez craqué là !
Quand on y repense, on a du mal à savoir quel dernier ressenti nous restera de cette malgré tout très belle traversée ! On a fini par réussir à atteindre le bas du Mont Taranaki, où il faisait toujours aussi effroyable mais avons passé une de nos soirées isolées les plus insolites et chouettes que nous ayons connues. Fous-rire nerveux quant à l’absurdité de notre situation et à la vision de nous cuisinant des patates douces comme si c’était du fois gras servi à Noël, dans le van à la lampe torche, sous une tempête qui ne s’arrêtait pas et passant le temps à travers des discussions aussi intéressantes que j’essaye de l’être maintenant, vous avez donc compris où j’essaye d’en venir, nulle part… Nulle part, tiens c’est marrant, c’est exactement où j’ai l’impression d’être actuellement.
En effet, je n’en parle pas assez car ce n’est que très minime comparé à tout ce que nous vivons hors du temps, mais les côtés pragmatiques de la vie en van nous ont fait réaliser qu’on vivait un peu comme des ermites dénués de toute éducation qui normalement vous permet de maintenir un niveau de vie social acceptable aux yeux des autres. Ce qui est bien, c’est qu’on se contrecalait royalement de cela, ce qui facilite considérablement les choses. Surtout moi. Chut, je n’ai pas besoin de vos commentaires à ce sujet.
3 Novembre
Réveil sous le pic enneigé du Mont Taranaki que nous n’avions même pas aperçu la veille, c’était magique. Ciel plus ou moins dégagé, ça nous a reboosté ! Le nuage qui s’étalait au fur et au mesure sur le sommet et le flan de la montagne, donnait l’impression d’un voile qui se dissipait ou d’une avalanche qui se déclenchait doucement , sans encombre ni menace. On en a profité pour aller jusqu’au Dowson falls et au lookout sur l’autre versant de la montagne. Nous avons ensuite repris la route les jours qui suivirent, vers Wellington, tout en continuant à descendre le long de la côté et en s’arrêtant quand on avait plus ou moins envie, trop dure notre vie. On avait atteint la capitale pour le vendredi soir et on y a passé près de deux jours. Ville beaucoup plus jeune, vivante et dynamique qu’Auckland. Première fois qu’on peut dire qu’une ville est vraiment sympa, ambiance détendue sur les terrasses ensoleillées du bord de l’eau, presque estivale ! Nous n’en retiendrons définitivement que du bon, on s’est autorisé un concert dans un bar « en ville ». J’ai l’impression que je vais pouvoir bientôt m’inscrire à « l’amour est dans le pré » en rentrant si je continue à déserter autant la civilisation pour les campagnes paumées. Car en réalité, ça m’a fait vraiment bizarre de revenir à travers la foule.
Je vous passerais très généreusement l’épisode douche sous le robinet, qui nous a valu quelques fous rires respectifs. Mais il y a de ces moments, quand vous voyagez, qui vous ramènent au BACK TO BASIC. Je ne vous en dirais pas trop car un article suit prochainement à propos de cela, en exclusivité, sur ce qu’on ne vous raconte pas, sur ce que vous vivez ou êtes prêts à faire entre les paysages inconsidérables que vous rencontrez. Ne vous y méprenez pas, tout a un prix, et la belle vie de voyage aussi. Bref, on avait atteint un niveau de saturation et de nervosité aussi élevé que la chance que vous aviez de croire à l’élection de Trump à l’annonce de sa victoire !
Après notre week-end à Wellington, nous tentions d’atteindre la pointe sud de l’île Nord, et là quel spectacle. Une vue sur le reste du monde qui vous semble encore plus loin que ce que vous n’auriez pu imaginer et le sentiment que vous êtes bien trop loin pour pouvoir revenir. Et si vous n’en n’aviez pas envie… Certaines idées me traversaient l’esprit comme une évidence. Certaines certitudes me paraissaient plus claires que la couleur de l’eau que j’avais pu apercevoir ici. Certains doutes s’en allaient pour faire place au seul sentiment prédominant qui me guide chaque jour et qui reste actuellement indescriptible.
Le Cap Palliser, ce fameux cap, au bout d’une route habitant deux out trois villages de pêcheurs aussi perdus que j’ai pu l’être avant de partir, nous l’avions atteint, enfin, et il était temps de se rendre compte que nous devions y poser les pieds, fermement, comme si chacun de mes pas aurait pu laisser une quelconque trace de mon passage. J’écris sur la plage, au rythme des vagues qui me surprennent, et me réjouis de remarquer que déjà un carnet de voyage manuscrit plus tard, le temps a passé, et mon écriture se perd, encore une fois, dans les dernières pages d’un récit impossible à suivre.
La compagnie des phoques en matinée a déboussolé Lison à un point que chaque algue aperçue, apparaissait comme un animal sauvage jaillissant en pleine nature. « Jo, arrête toi je te jure y a un truc, ouaaai c’est ça louloute, t’es gentille mais cesse stp ! » Bon en même temps, je fais la maligne, mais j’ai pas trop rigolé quand un big phoque papa africa s’est retrouvé à côté de mon pied.
Face à l’océan, j’étais incapable de réaliser ce après quoi je courais, doucement, parce qu’ici on a toujours le temps, mais j’acceptais l’idée qu’aucune notion relative ne pourrait expliquer l’impulsivité dont je pouvais faire preuve en ayant décidé de partir, et encore plus en voyageant actuellement. Impulsivité contrôlée, autant que possible et interceptée par les personnes dont vous avez la chance de croiser le chemin. Personne avec qui vous parlerez peut-être une minute, deux, une heure ou deux jours, peu importe. Chacun reprendra son chemin comme il l’a décidé et rien ne pourra vous empêcher de le vivre comme vous en avez envie.
La dernière semaine de roadtrip nous a forgé, rafale de vent et de pluie à n’en plus finir, désespoir temporaire face à la frustration de ne pas pouvoir voir ce qu’on l’on voulait, mais de très bons moments partagés face à la complexité d’un mode de vie que nous avions choisi. Il était temps de remonter pour ramener bientôt notre Lulu. Direction « je ne peux pas le citer » pour rejoindre le lieu au plus long nom du monde. Tu t’en doutes bien, j’ai du faire un copier coller. Bref on a été jusque là parce que ca nous tentait bien et à notre arrivée, RIEN. Juste un panneau relatant la richesse de son nom mais non de son contenu. Le pire, c’est que nous n’étions pas vraiment déçues.
Taumatawhakatangihangakoauauotamateaturi-pukakapikimaungahoronukupokaiwhenuakitanatahu, le nom de village le plus long du monde. Ha ben super, merci les gars on repassera, ça en valait vraiment la peine ! Non je rigole, enfin qu’à moitié. On a rejoint le lendemain Napier, ville connue pour son aspect pittoresque d’Art déco. Pour le coup, ça semblait effectivement plus beau.
8 novembre
On a fini notre semaine autour du Lac Wakaremoana, petit coin de paradis perdu entre quelques régions moins fréquentées. Le coucher de soleil était sans aucun doute un des plus beaux que j’ai pu admirer jusque là. Malgré les sandflies plus que présents (ne vous inquiétez pas vous en entendrez assez parler) , on y a pris réellement du bon temps. Rencontres multiples et randonnées en colonie de dix le lendemain, ça faisait du bien d’être avec du monde ! La route était une fois de plus, subjuguante. Pas de réseau, peu de vie, sauf celle que nous pouvions rencontrer à travers la nature.
Notre plan pour le milieu de semaine paraissait parfait, soirée animée avec des américains aux alentours de Tauranga, on était au taquet ! Nous les avons pour finir croiser la veille complètement par hasard et sommes rapidement redescendus de nos poneys respectifs lorsque nous nous sommes aperçus que le débat autour de la politique actuelle passait plutôt mal alors qu’ils venaient d’apprendre la grande Nouvelle. Encore une occasion manquée de fermer nos gueules, ça nous apprendra. Le désavantage quand tu bouges en permanence, c’est que tu te penses inatteignable. Rien ne peut avoir le pouvoir de gâcher notre soirée/journée. Et ben si, pour le coup on est rentré -dardar- en ayant envie de gerber notre idéalisme perdu.
On s’est malgré tout rendu le lendemain jusqu’au Mont Manganui, Lison, moi et mon dos de mamy coincée, qui nous offrait une vue sur le reste de la côte plus surprenante que nous l’avions imaginé.
Nous avons achevé notre périple par un repassage à Hamilton, chez nos amis pilotes pour le week-end. Pas de doute, on a été plus que bien reçues ! Viande, douche, sauna, whisky et toute la luxure qui va avec, on a bien eu le temps de terminer en beauté ! Blue springs track pour rendre le tout un peu plus productif que ce que nous prétendions l’être et il était déjà temps de terminer cette longue épopée et de dire au revoir à notre Lulu nationale. 475 657km au compteur lorsqu’on l’a rendue, je lui tire mon chapeau ! Actuellement, je suis sur l’île Sud mais le chemin jusque là est bien trop long pour vous le raconter dans le même article, désolé !
Je sais vous l’attendez, ces images semi-dramatiques du tremblement de terre, mais tout ce que à quoi vous aurez droit aujourd’hui est l’optimisme communicatif que j’essaye de partager, mêlé au relativisme incroyable des kiwis que je n’ai jamais vraiment sentis démoralisés. Alors que nous européens, sommes encore dans l’angoisse, eux repensent déjà à la reconstruction. Alors que j’aurais peur en Belgique de glisser sur une plaque de verglas en attendant le bus pour le boulot, eux pensent déjà au futur. Je n’aurais pas plus de mots pour achever ceci, hormis que rien n’arrivera à me freiner pour la suite.
SPOIL Article sur « ce que personne n’avoue faire quand il voyage » et récit de la traversée vers le Sud. A bientôt les amis, vous me manquez !
Jo
Magnifique Jo, tu communiques très bien sensations et sentiments. On te cherche un gentil fermier prêt à t’accueillir en zone rurale à ton retour. Yves a des adresses… Bises et bon séjour au sud !