Après une longue absence sur mon blog, me voila enfin de retour pour vous narrer mes 6 premières semaines en Australie, que le temps passe vite ! Qui dit changement de pays et nouveau chapitre de voyage, dit changement de mode de vie, de rythme et sans doute d’objectif aussi. Et dit pour le coup très certainement moins de temps et d’énergie pour écrire, vous le comprendrez sans doute au fur et à mesure de mon récit.
Revenons donc un mois demi en arrière pour tenter de vous raconter au mieux cette nouvelle aventure. Mon départ de Nouvelle-Zélande me laissa un petit goût indescriptible de nostalgie, mélangé à beaucoup de joie et de reconnaissance par rapport aux 4 mois et demi dont j’avais pu profité à travers ce splendide pays.
Je quittais donc mon dernier woofing à Kaikoura pour me diriger vers l’aéroport de Christchurch et m’envoler pour Melbourne. Après quelques péripéties inévitables sur cette route encore fort dégradée par le tremblement de terre, je finissais par atteindre à temps malgré tout l’aéroport pour prendre mon vol. Arrivée à Melbourne un peu avant minuit, je me vois encore prise par cette chaleur étouffante dont je n’avais pas connue l’existence auparavant, mon sac à dos sur le dos, seule face à l’inconnue. Comme s’il fallait tout reprendre depuis le début. Comme si mes premiers pas me faisaient un peu tourner en rond. J’ai passé la nuit à l’aéroport, attendant désespérément la première navette du matin pour rejoindre le centre ville. J’avais l’impression d’être une minuscule petite chose perdue au milieu de cette grande ville. Comme si je ne parvenais pas à y trouver mes repères. Les derniers mois écoulés m’avaient un peu fait perdre la notion de la « vraie vie », dépaysée la plupart du temps dans des espaces naturels si vastes, c’était comme si j’étais déboussolée par un retour à une vie urbaine. L’agitation et la foule qui habitaient Melbourne me mettaient quasi mal à l’aise.
Je passais malgré tut mes quelques premiers jours à découvrir la ville paisiblement, sans trop de pression, tentant de m’acclimater à ce nouvel environnement, dont je me voyais déjà m’écarter pour être honnête.
Mon premier objectif était de trouver ma future maison mobile.
Après quelques mois de pure stop, il était temps de changer de mode de voyage et de retrouver aussi un mini chez moi. C’est donc suite à de mûres réflexions stratégiques sur les possibilités envisageables, qu’il m’avait sembler clair que pour parcourir ce si grand pays, il me fallait une voiture. Tentant de faire le tri entre les propositions aux allures foireuses et les autres en apparence raisonnables, je finis par trouver et par acheter mon carrosse, déjà quelque peu aménagé. J’ai aimé Melbourne, j’y ai aimé l’ambiance, le dynamisme et l’activité culturelle. Mais une incontournable petite voix en moi me disait sagement de m’en éloigner assez rapidement, tentant de sortir de ces trop grandes balises qui ne convenaient pas réellement à l’idée que je me faisait de la suite de mon voyage.
Pleine d’entrain, de soif de découverte et d’enthousiasme, je m’engageais donc sur la Great Ocean Road en compagnie de Sam, mon nouveau travelmate rencontré à peine quelques heures auparavant.
Je prenais donc la direction de l’Ouest vers Adélaïde pour quelques jours de voyage et de découverte. Changement de décors, changement de notion de distance, changement radical de vie. Nous nous arrêtions quand bon nous semblait, le long de cette route qui longeait l’océan sur sa plus grande majorité. La côte fut particulièrement belle, et particulièrement notre arrêt aux 12 apôtres, ces immenses rochers qui se succèdent et forment un paysage parfois ressemblant à ce que j’avais déjà pu voir auparavant mais avec une empreinte quelque peu différente, que je ne saurais pas réellement expliquer d’ailleurs. Les spots de camping gratuits nous faisaient parfois atterrir dans des lieux complètements paumés ou assez inédits, ou les deux aussi.
Après quelques jours passés sur la route, il était à présent temps pour nous de chercher du travail. Mon objectif étant tout d’abord de passer quelques semaines/mois à renflouer un peu les caisses pour anticiper la suite du voyage en Australie, mais aussi à plus long terme pour l’Asie.
Encore bien loin de la réalité, c’est assez optimiste que nous tentions de trouver du boulot dans les fermes aux alentours de Renmark. Retard de début de saison de picking pour la majorité des fruits, le coin ne semblait pas opportun au travail. Nous bougions donc de région en région tentant encore plein de détermination de trouver notre premier travail. La route fut longue, droite et surtout très désertique. A gauche, à droite, RIEN. Un kangourou qui de temps en temps se mettait sur notre chemin, un nuage perdu qui nous offrait un passage éclair d’ombre. Je commençais doucement à comprendre de quoi il en ressortait. Il arrivait régulièrement que pendant des centaines de kilomètres, ne nous croisions rien sur notre route. Bienvenue dans le bush australien !
C’est finalement à Robinvale, un bled comprenant plus ou moins 2 magasins de seconde demain, 2 pompes à essences et 5 superettes asiatiques, que nous pensions avoir saisi notre première chance. Nous rencontrions via l’intermédiaire d’un australien notre premier et sans doute meilleur employé possible et imaginable. Attention, j’appelle au premier rang, la plus grosse arnaque de tous les temps. Le travail consistait à cueillir des raisins dans les champs, les nettoyer, empaqueter dans chaque sachet, et ensuite les mettre en boite. Plan qui semblait aux premiers abords tenir la route. J’ai bien dit « semblait ».
Avant toute chose, pour comprendre le système australien des boulots dans les fermes ou de fruit picking plus généralement, il est un principe important à retenir et à bien, très bien intégrer dans votre cerveau. Une grande partie de ces jobs, prisés principalement par la population des backpackers, car « facilement » accessibles, sont payés à la bucket ou à la bin, ce qui revient à dire au rendement. En fonction donc de ce que vous cueillez, un prix plus ou moins aléatoire est fixé à la pièce (selon le bon vouloir des fermiers suivant logiquement la tendance générale de la région) et donc multiplié par le nombre de bins/boxes que vous remplissez/faites. Après une première journée de presque dix heures, sous un caniar qui tapait sur ma tête comme si vous on me mettait un coup de massue permanent, nous en venions, de façon un peu plus lucide, à nos premières conclusions. C’est de la daube, mais alors de la bonne daube, de la daube internationale. J’avais « gagné » quelques 30$ et dès, ce qui me donnait un rapport d’un peu plus de 3$/h, première grande désillusion à propos du marché du travail. Première claque en plein visage, premiersWTF qui envahissait mon esprit. Première expérience qui vous donne les armes nécessaires (ou pas encore) pour tenter d’affronter la suite. Parce que aucun où une fois n’est pas assez, pas d’inquiétude les plans foireux continueront à vous poursuivre dans la chasse au travail.
Sereinement et sans trop d’agitation, nous avons évidemment décidé de partir en expliquant calmement à ce couple de fermiers que le job ne nous convenait simplement pas. Un calcul mental rapide me donna comme résultat que si je travaillais plus de 5 ans sans arrêt, je pourrais alors envisager de poursuivre la suite de mon aventure. Je ne sais plus si j’avais envie de pleurer ou de rire, probablement un peu des deux ; mais une chose était sûre c’est que j’avais bien envie de partir de là sans tarder. La discussion a rapidement tourné au vinaigre et je compris très clairement qu’il n’était pas possible d’échanger rationnellement. Ouaai partez en Australie qu’ils disaient, vous rencontrerez des gens chaleureux qu’ils disaient, économiserez rapidement et ne saurez choisir entre les opportunités qu’ils disaient. Ouaaai tu parles, et ben c’est loupé, bienvenue dans la réalité. Après une première expérience quelque peu misérable et outrement très fatiguante par rapport à ce qu’elle rapportait, nous repartions donc vers une autre direction, tentant de ne pas se laisser démoraliser par notre minuscule premier salaire, que d’ailleurs nous n’avons jamais touché.
Nous parcourions alors quasi le trajet retour de notre itinéraire allé mais par l’intérieur du pays et de l’état du Victoria, tentant d’atteindre ces endroits qui nous semblaient comme dissimulés où il était censé y avoir du travail. D’indice en indice, de discussion en discussion, d’informations récoltées en informations récoltées, nous posions alors notre campement à Shepparton (2h au Sud de Melbourne donc presque revenu à la case départ pour ainsi dire haha), sans trop réaliser dans quoi nous avions encore mis les pieds, se disant que de toute façon ça ne pouvait pas être pire que ce que nous avions eu auparavant.
Via le bureau du MADEC, instance liée je pense d’une certaine façon au gouvernement qui joue le rôle d’intermédiaire entre les travailleurs et les fermiers de la région, nous pensions avoir trouvé notre nouvelle chance dans le picking de poires. Annulé au final la veille du jour où nous étions censés commencés, on se mettait donc en quête de faire le tour des fermes pour trouver autre chose. Je compris rapidement que vu notre situation actuelle, il allait m’être demandé implicitement de persister jusqu’à un acharnement inconsidéré et indétrônable afin de ne tout simplement pas abandonner à la première, deuxième ou troisième embûche.
Le point positif de ce séjour fut sans aucun doute les rencontres que nous y avons faits. Le camping dans lequel nous nous trouvions était principalement occupé par des backpackers travaillant dans les fermes de la région, ce qui nous mettait un peu tous dans la même philosophie de vie, ou pour être plus juste, tous dans la même galère, soyons clairs. Au bout de quelques jours, nous formions alors une bonne bande de copains composé de deux allemands, Claas et Amy, deux français Hugo et Marion, 2 anglais, Kaileigh et Damon, d’un finlandais Samy et enfin de Sam et moi même.
Seconde tentative encore ratée dans le picking de figues cette fois où on avait malgré tout déjà doublé notre salaire par rapport au raisins attention ! Progrès à ne pas négliger, tentant de se persuader qu’à force d’évoluer crescendo, on finirait probablement par atteindre d’ici quelques mois quelque chose de décent. Chaque petite augmentation est une grande victoire, je vous promets !
Et c’est finalement, dans les champs de courgettes que nous réussissions à tous nous rassembler avec les copains. Bon c’est quoi le plan, elle va nous faire tout le potager où quoi, oui je sais… Et attendez parce que c’est encore loin d’être fini. Nous avons tenu courageusement une petite dizaine de jours dans cette ferme tenu par une famille d’indiens. Début du picking à 7h le matin et packing en mode travail d’usine à la chaîne l’après-midi, c’était sans aucun doute le boulot le plus supportable et rentable que nous ayons connu jusque là. Bien que nous ayons perdu quelques éléments en route pour cause de dos bloqué, piqûres enflammées ou douleurs en tout genre qui vous font découvrir des muscles dont vous ne connaissiez même pas l’existence, nous nous faisions peu à peu cette nouvelle vie dont la plupart sous estime aux premiers abords la difficulté physique et psychologique de l’activité.
Le picking consistait à suivre le rythme du tracteur en ramassant les courgettes au fur et à mesure, chacun sur notre ligne, pour les déposer sur le tapis roulant. L’ambiance était presque toujours au rendez vous, et notre situation actuelle quelque peu absurde et folklorique par moment finissait plus par nous faire rire qu’autre chose. Cela passe toujours mieux quand on est une bonne team,, il n’y a pas de doute. Le soir, je m’endormais avec le ronronnement du moteur qui ne sortait pas de ma tête et la vue des courgettes qui défilaient sous mes yeux l’après-midi que je prenais beaucoup de soin à emballer.
Pour une fois, nos employeurs n’étaient pas disons le vulgairement, des enculés de fermiers australiens de première, et semblaient porter une attention particulière au bien être général des travailleurs.
Cela restait très épuisant mais plutôt marrant quand on y repense une fois les premiers caps passés. Débat philosophique du matin dans les champs sur le thème de la courgette, face au lever de soleil que nous avions la chance d’admirer chaque jour, notre imagination prenait des tournants quelques peu surprenants par moment. Phénomène sans doute lié à une stimulation du cerveau fort différente de ce que nous connaissons habituellement, nous avancions, rythmés par une activité répétiitive qui nous rendait complètement timbré les premiers jours. La femme du boss parlait assez bien anglais mais c’est quasi la seule personne de la famille avec qui nous parvenions à échanger. Le mari baragouinait vite fait quelques mots et sinon le papy dont le rôle principal était de conduire le tracteur le matin et nous faire accélérer la cadence sans relâche, continuait après une semaine à nous parler en permanence indien, sachant très bien qu’on ne comprenait toujours rien, ce qui donnait lieu à des échanges très instructifs et disons, originaux. Un jour, j’ai planté des broccolis pendant trois heures avec lui dans un nouveau champ. On a pas mal communiqué, je pense qu’on ne parlait probablement jamais de la même chose mais je perçus après quelques efforts invétérés, un début d’échange et de faible communication non négligeable, de rires même parfois ! Y a pas à dire, l’air de rien il tenait encore sérieusement la route ce papy. Toute la famille travaillait plus de 10h par jour, 7 jours sur 7 pour les 4 prochains mois. Le neveu un peu plus jeune que nous, occupait quasi la même place que nous dans l’organisation de la ferme. Bon, nous étions encore loin du Nirvana niveau salaire, mais c’était tout de même plus acceptable.
Au cours de notre séjour, on se laissait même aller à quelques occupations communes pendant l’unique day off de la semaine, brunch général ou bowling, on avait une bonne dynamique générale qui nous permettait de tenir. De nouvelles relations amicales naissaient clairement plus le temps passait. Faut dire que la galère, ça rapproche vite les gens aussi. A force de se creuser la tête, la seule vocation envisageable que nous étions parvenus à trouver était de créer une ligue ou un syndicat des backpackers contre la communauté des enculés de fermiers australiens. Oui je sais ça fait deux fois que je le dis dans le même article, mais comprenez bien que malgré un relativisme ironique, il était malgré tout de temps en temps difficile de rester serein. Bien que la conviction ne manquait pas, je doute peu cependant que ce soit plus lucratif que nos activités actuelles. Mais ce qui est certain, c’est qu’il y a de la matière.
C’est un peu comme si vous tombiez par hasard sur le chapitre caché d’un bouquin qui vous vend en apparence un rêve infini et indescriptible sur le voyage en Australie mais qui au final vous ouvre les portes de la galèère. Découverte de l’arrière du décors, du back ground insoupçonné et je pense quelque peu retenu caché de tous au départ. Ouvrir les yeux, se rendre compte, se planter, souvent, continuer à se tromper, pour peu à peu se réaiguiller.
Il faut bien le dire, le voyage, c’est la liberté, la découverte, l’adrénaline, l’excitation mais aussi tout le reste qu’on ne vous montre pas. Je pense qu’il est assez important parfois de mettre le point sur ces aspects dont on parle moins, car moins excitant, moins vendeur, mais très instructif. Ce genre de période qui vous forge un peu plus le caractère, ce genre de période où parfois vous vous demandez quand même un peu ce que vous foutez là. Ce genre de descente en chute libre qui vous font réaliser que les choses n’allaient probablement pas se passer comme prévu. Mais soit, c’est sans doute aussi cela le voyage.
Nous parvenions de plus en plus à porter un regard critique sur la chose et à se doter d’une bonne dose d’auto-dérision pour relativiser le tout. Les fous-rires sur notre état commun n’en finissaient pas, ce qui rendait probablement l’aventure plus agréable à vivre.
Bref, revenons en fil de notre histoire. Nous décidions donc tous de partir de notre cher « Shity Shepparton », dans l’espoir vain de trouver malgré un travail mieux payé. Et c’est donc vers Ballarat, où la saison du picking de pommes de terres allait bientôt commencer que nous nous sommes dirigés. La majorité de la bande de copains nous suivit finalement dans le même but. Nous nous accordions quelques jours de recherches dans les fermes laissant pour une fois plus de chance à la patience pour tenter d’atteindre ce que nous cherchions depuis le début. Graines plantées, pistes à suivre, il fallait attendre.
Pour finalement « s’occuper », nous rejoignons la région de Bendigo, où nous avions trouvé une solution temporaire de travail dans le picking de pommes. Vaut toujours mieux gagner un peu que rien du tout (ça vous fait changer d’idée les plans foireux haha). On commençait donc à travailler, étrangement, dans un cadre plutôt légal et un système assez bien organisé. T’imagines le mec il va même nous faire signer un contrat, on a du mal à s’en remettre. Au bout de nos deux premiers jours de picking, se motivant comme jamais pour devenir des machines à picker, nous commencions à sacrément tenir la route et à ne pas si mal gagner notre vie au final.
Et bims, t’es encore tombée dans le panneau Cools ! Note à moi-même, ne jamais, jamais partir d’aucune certitude dans le travail dans les fermes. Si un jour vous gagniez bien car le terrain accordé y est favorable, le lendemain vous pourrez être soudainement en congé, ou tout simplement vous retrouver dans un champ où vous chercherez la pomme à cueillir comme de l’or dans un mine.
C’est donc à l’aube de notre troisième jour de travail que nous réalisions que la bonne cueillette rentable n’allait pas se montrer tous les jours. La pluie et l’agacement des travailleurs face au temps nécessaire pour remplir une seule bin, faisait peu à peu partir les gens un à un.
Nous décidions finalement de terminer notre seule bin de la journée (contre dix bins la veille tout de même), malgré l’abandon général qui nous entourait avant de rentrer quasi bredouille au camping.
Jours de pose aujourd’hui, j’ai donc enfin pu trouver le temps de vous écrire. Les choses s’éclaircissent et nous ne lâchons rien, proposition d’un travail payé à l’heure alleluiaaaaa, dans nos chers champs de patates pour la semaine prochaine, je pense que nous touchons du bout du doigt notre objectif !
C’était donc les dernières nouvelles de ce premier récit en Australie, dans un tout autre style.
Il faudra attendre encore un peu pour le chargement des photos, notre vie de nomade ne nous permet pas beaucoup de connections wifi 🙂
Bisous à tous les copains, profitez un peu du canapé, de la TV, de la machine à lever, et de la maison Cocoon pour moi, je vous fais des bisous de mon carrosse aménagé !
Enfin des nouvelles ! On aurait aimé pour toi un roman à la Russo, on a droit à une chronique de la « révolution agricole » d’un espace quasi sous-développé qui vit de nos assiettes… Hâte de te revoir, pour rire ensemble de ta vie de courgette-patate ?