Coucou tout le monde,
Voila déjà près de 5 semaines écoulées depuis mon dernier article. Cinq semaines intensives de patates, ça vous forge une voyageur, moi je vous le dis !
Nous quittions donc quelques jours après mon dernier article notre camping à Maldon, dans la région de Bendingo.
Et Revenons donc où nous nous étions arrêtés. Retour sur la route direction Ballarat après encore quelques jours peu lucratifs de picking de pommes. Nous avions enfin décroché une place dans une ferme de pommes de terre ; nos recherches avaient enfin porté leur fruit et c’est donc plein d’espoir et de motivation que j’entamais cette nouvelle phase de travail.
Nous commencions donc à travailler entre 8h et 10h par jour au milieu des champs d’Anthony, notre boss plutôt cordial, sympa et qui semble être assez réglo et fiable. (Ne pas oublier la règle n°1, toujours rester sur ses gardes avec les fermiers, on ne sait jamais ce qui peut arriver) Y a du progrès, y a du progrès, on a mis le temps maison y arrive ! Alors que nous étions assez satisfaits du peu d’effort physique que le travail nous demandait, comparé à tout ce que nous avions connu auparavant, il ne nous a fallu malgré tout que quelques jours pour se rendre compte que la fatigue allait prendre un tout autre visage.
Le travail est assez « simple », en quelques mots ; vous vous situez à l’arrière du harvester tiré lui même par un tracteur, qui laboure la terre et récolte les pommes de terre. Votre rôle consiste donc à trier les patates qui arrivent sur le tapis roulant, en enlevant les pourries, cassées, pierres & rochers, mottes de terre en tout genre. On ne le soupçonnerait pas de prime abord pas mais cela demande une certaine dextérité et une concentration qui vous lobotomisent royalement le cerveau.
L’aliénation de votre esprit à la machine s’explique par la seule exécution d’une tâche répétitive assez ennuyante. Vous l’aurez compris bienvenue dans le travail à la chaîne ! Par jour, nous remplissions entre quatre et cinq trailers, ce qui représente, pour vous donner une petite idée, plus de dix tonnes de patates. Certains jours étaient plus supportables que d’autres, dépendant de plusieurs facteurs non négligeables tels que la poussière, le froid, ou le simple fait que vous tombiez sur des « bonnes » rangées ou non.
Durant notre première semaine, nous dormions dans un camping aussi vide de vie que l’est mon esprit quand je trie des patates. La météo se dégradait et nos corps engourdis du matin sentaient la chute des températures nous épuiser un peu plus chaque jour. Alors que je m’endormais chaque soir, des millions de pomme de terre sous les yeux sans aucun moyen de me défaire de cette image, d’étranges bruits subsistaient dans mes oreilles dû au bruit incessant de la machine qui commençait sérieusement à me taper sur le système.
Mais comme tout corps humain, vous vous finissez par vous adapter au système dans lequel vous êtes et à vous acclimater peu à peu à vos nouvelles conditions de travail. Je me surprenais même à arriver à penser pendant des heures tout en travaillant. Réveil de mon esprit qui tentait de se frayer un chemin à travers ce chaos infernal de patates qui volaient dans tous les sens.
En réalité, c’est sans aucun doute le travail de ferme le moins difficile que j’avais exécuté jusqu’à présent. Il fallait donc s’accrocher et prendre un peu sur soi pour continuer dans cette voie. Puis payé à l’heure aussi, ça change pas mal la donne. J’économisais plus en une semaine que sur les trois dernières écoulées, c’est un peu triste à avouer mais ça motive !
Chance pour nous, nous trouvions finalement avec Sam, une collocation dans laquelle emménager à moindre coût, ce qui nous fournissait une augmentation de notre niveau de vie assez considérable. C’est donc dans la maison de Rhys, australien de 28 ans, que nous nous installions pour les quelques semaines à venir. Les autres collocataires étaient également tous des jeunes australiens (Olivia, Killian & Lauren) , ce qui nous changeait un peu des rencontres entre backpackers du monde, ça n’était pas plus mal.
Le week-end, on se retrouvait généralement avec nos autres copains de route qui travaillaient dans d’autres fermes de patates, tentant tant bien que mal de maintenir notre vie sociale à son minimum acceptable. Et puis vint le temps de dire au revoir à Sam, mon compagnon de route depuis presque deux mois déjà, qui s’en allait vers d’autres horizons. On ne réalise pas l’impact que les gens avec qui on voyage peuvent avoir sur vous. Une amitié ici se développe de manière exponentielle, comparée aux relations que nous pourrions entretenir dans une vie « normale » (sans jugement aucun, vous m’avez bien comprise, j’espère). Vos seuls repères deviennent votre force, ce qui rend définitivement les choses plus difficiles lorsque vous en êtes séparés.
Le voyage m’a fait vivre autant de rencontres que « d’adieu », et je dois bien l’avouer, même si cela fait partie de cette vie, c’est sans doute à chaque fois un peu plus difficile. Mais tel était ainsi le choix que j’avais initialement fait; partir seule et aller à la rencontre de personnes qui feraient chacune partie d’un chapitre de mon histoire en ne maintenant qu’une seule et même ligne de conduite pour la suite et en tentant de tourner certaines pages lourdes de vécu pour en écrire de nouvelles. J’étais seule maître de mon voyage et souvent reprendre la route seule réveillait en moi tout le sens de la démarche que j’avais entreprise en partant me confronter à l’inconnue.
A l’aube de la troisième semaine, le moral n’y était clairement pas. La tempête du week-end avait rendu impossible tout harvesting et donc tout travail pour la semaine, ce qui me plaça dans un ennui et une solitude quelque peu déprimante. Agacée par mon propre état, il me fallut quelques jours pour sérieusement me secouer et reprendre les choses en main. Quand il arrivait que je doute sur ce que j’étais en train de faire (parce que oui ça finit toujours par arriver dans un moment d’égarement) , je tentais de regarder en arrière et en avant avec le même plaisir mêlé à un bonheur indéfinissable ; celui d’avoir la chance de parcourir une infime partie du monde, comme j’en avais rêvé pendant tant d’années. La route était encore longue. Tout cela en valait la peine, je le savais au fond de moi. Et je réalisais avec un certain recul, pourtant encore peu objective, que tous ces événements avaient autant d’importance dans mon histoire que les folies que j’avais déjà connues jusqu’ici. Si pas plus, probablement. Mes objectifs m’aidaient à accepter la situation et je me fis un peu violence pour me préparer aux prochaines semaines/mois de travail prévus.
Arrivaient alors à la ferme, Hendjie et Minori qui venaient travailler avec moi à l’arrière du harvester. Dis monsieur le fermier, j’ai quand même une toute petite question au passage, c’est genre normal qu’on fasse le même boulot à trois maintenant qu’à deux avant ? « You’re a good worker, Jo » qu’il me répétait tous les jours, mais moi j’en ai rien à faire d’être un good worker, moi je veux juste que tu m’expliques pourquoi. Mon dieu, je me suis résignée à épargner ce pauvre Anthony qui avait quand même l’air assez souvent un peu à coté de la plaque. Chance pour moi, il m’avait un peu à la bonne et tentait donc de me trouver des petits boulots à la ferme quand nous ne pouvions pas récolter les patates. Je me rendais bien compte que c’était pas vraiment nécessaire ou urgent et qu’il le faisait plus pour pas me faire poiroter une semaine sans boulot.
La diversité de ces activités me remonta un peu le moral, ouaaai je vais conduire des quads et des tracteurs. Haha il en faut peu tout de même dans la vie d’ouvrier agricole pour être content. J’avais quasi l’impression d’être dans mon élément, conduisant 4×4 et autres machines en tout genre, avec mon poto Edgard qui me suivait partout dans les champs. Edgard il est sympa, assez fun et très loyal, le seul hic c’est que c’est un lama. Mais je l’aimais bien quand même.
Puis il y avait la chasse aux moutons aussi, ça c’est marrant; quand vous tentez de rassembler quelques centaines de moutons à travers les plaines, croyez moi l’expression « suivre comme un mouton » prend tout son sens. Suffit que y ait un abruti qui ait décidé d’aller dans le champ d’à côté et allez les gars, on sait pas pourquoi, mais on y vaaa.
Les semaines finirent donc pas par passer plus rapidement que je pensais et je parvenais au bout de mon travail dans cette ferme. Je dûs quitté un peu prématurément (il ne restait que quelques jours de boulot) Anthony pour une nouvelle ferme où une place se libérait pour plusieurs moins, ce que je n’étais pas vraiment en mesure de refuser. Bien que j’entretenais une assez bonne relation avec mon boss, je serais quand même soulagée quand je toucherais ma dernière paye. On sait jamais trop comment les fermiers réagissent à l’annonce d’un départ ou d’une autre mauvaise nouvelle mais si il y a bien une chose que le système du travail australien pour les backpackers m’a appris, c’est que vous n’avez pas le choix; dans tous les cas, penser à vous et ne vous inquiétez pas trop car si vous laissez une place, y a la file derrière vous pour la prendre comme au Goldway à 3h du matin en fin de soirée à Louvain-la-Neuve. Bref, pour ceux qui n’auraient pas saisi la subtilité de cette métaphore culturelle, fondez vous dans le système et n’ayez pas trop de scrupule.
Le week-end, je continuais à voir Damon, Kaileigh, Marion & Hugo. Et puis Rhys m’avait emmené au Wildlife park de Ballarat, ça c’était plutôt cool. J’étais comme une gamine devant mon cadeau en dessous du sapin de Noël. Kangourous, wombats, koalas, dingos, crocodiles, et autres reptiles en tout genre, il y avait de quoi s’occuper.
Après l’épreuve quelque peu traumatisante de la visite des serpents, Rhys me fit une remarque assez juste et perspicace. « Dis Jo, si j’ai bien compris, t’as la phobie des serpents, tu supportes pas trop le soleil et les grandes chaleurs, mais tu viens en Australie, t’as pas l’impression que y a un léger soucis ? » Haa bah en voila quelqu’un d’intelligent, je te remercie de mettre le point sur cette réflexion intéressante qui au cas où j’étais pas encore sûre de vouloir rester ici, me donne vraiment envie de continuer en Australie. Bon je rigole, je suis un peu dure avec ce pays qui je le sais regorge de merveilles qui n’attendent qu’à être découvertes. Mais tout ça, ça sera pour plus tard car faute de ne pas m’être lassée de ma nouvelle vocation dans les patates, je me suis réengagée pour quelques semaines/mois (à voir jusque quand tiendra ma détermination à ne pas devenir complètement dingue) de travail dans une nouvelle ferme du même secteur. Vous imaginez bien ô ma joie !
J’ai donc du quitté ma collocation et tout le confort qui allait avec, hier, pour retourner dormir dans mon carrosse. Nouveau départ donc avec Hendjie, une canadienne rencontrée dans mon dernier boulot, pour un nouveau chapitre encore riche en émotions.
J’espère continuer à maintenir votre attention malgré ces récits quelques peu loufoques et sans doute moins captivants que mes phases de voyage, mais ne vous inquiétez pas, tout ça reviendra !
–> Intégralité des photos (fin NZ + Australie) enfin chargées sur ma gallerie Flickr 🙂
Merci à tous de me suivre, rebisous les coupains !