Je vous préviens d’avance, cela risque d’être un peu long, probablement à l’image des distances parcourues ces dernières semaines. J’affiche entre 6000 et 7000km supplémentaires au compteur, vous comprendrez donc que y a de quoi raconter ! J’espère que vous êtes installés pour voyager un peu avec moi:)
Déjà deux mois depuis mes derniers écrits ! Si je me souviens bien, je m’en étais donc arrêtée à mon départ pour Alice Springs depuis l’aéroport d’Adelaïde. Se tournait à cet instant précis une fameuse page de mon carnet de voyage. J’entrevoyais à nouveau à l’horizon la découverte de terres inconnues, en laissant pour quelques temps mes objectifs de travail de côté. Mon esprit avait besoin de se ressourcer et de se réalimenter . Faire à nouveau le plein de nouveautés, en prendre une fois de plus plein la vue pour repartir de plus belle.
Je laissais donc mon ami le plus fidèle à Adélaide, à savoir ma tuture-maison adorée pour une dizaine de jours dans l’optique de repartir à l’aventure en plein centre de l’Australie. Je pris l’avion de jour et fus totalement envahie de stupéfaction à la vue du spectacle qui s’offrait à moi. Le désert australien, le bush à des centaines de km à la ronde sous mes pieds. Sans aucune ville, aucune habitation, aucune présence humaine. Rien, littéralement, rien.
La « nature » australienne à l’état pur ; ce décor de sable et de roche assez typé aux tons rouges et orangés, à perte de vue. Cette nature sèche et abrupte, dans tout ce qu’elle a de plus surprenante. Je posais alors les pieds dans cette charmante petite « ville » qu’est Alice Springs pour mes premiers jours. Dodo en camping avec Ben, mon nouveau compagnon de route et au programme quelques jours de repos d’abord ; soirées autour du feu, exploration du désert, manger des bananes chocolat au barbecue, boire quelques verres sous les étoiles. Tout ce qu’il me fallait pour me sentir à nouveau comblée et sereine. Bonheur empreint d’une grande simplicité, simplicité elle-même de plus en plus appréciée, plus le voyage avance et moi avec.
Rencontres toujours plus insolites avec quelques australiens retraités qui voyageaient en camping car pour les vacances. Tu commences ta journée seule et tu la finis à passer la soirée avec des cinquantenaires qui te racontent leur expérience de vie australienne. Tu ne sais jamais de quoi sera fait le lendemain, mais tu sais pertinemment qu’il sera probablement différent de la veille. De nouvelles rencontres, toujours plus diversifiées les unes des autres. Fondement même du principe du voyage où ta propre personne tente de s’adapter en permanence à de nouveaux contextes, de nouvelles personnes pour peu que ton esprit y soit assez ouvert. Tes idées préconçues et tes certitudes sont sans cesse bousculées par de nouveaux questionnements, de nouveaux doutes aussi quant à ton propre avenir, quant à l’idée que tu te fais du monde qui t’entoure.
Confrontation directe et d’une certaine façon assez violente avec d’autres cultures également. Je n’avais que très peu , voire pas du tout, côtoyé d’aborigènes depuis que je me trouvais en Australie. Et ce fut un véritable choc. Choc de deux cultures ; de deux modes de vie radicalement différents. Je pus donc observer la cohabitation des « blancs » avec les aborigènes. On tente de se rappeler l’histoire, de se remémorer d’où tout cela vient et je me suis surprise à être d’avantage intriguée que ce que je le pensais par celle-ci. Sur le moment même, j’aurais presque décrit cela comme de la curiosité malsaine, en réalité. Difficile d’expliquer ce sentiment. Tu te ballades en rue et tu te sens véritablement un peu mal à l’aise. Les uns vivent avec les autres mais à travers une indifférence assez glaçante. Un climat de tension si je puis dire, ou en tout cas d’insécurité, règne dans les rues de la ville. De journée, c’est relativement vivable, de nuit, c’est une autre histoire. Les aborigènes y errent comme tentant de s’intégrer dans un monde qui n’est pas le leur, sur une terre qui leur appartenait de droit. Et les « autres » vivent leur vie à l’européenne de leur côté, tentant de minimiser leur présence, en les ignorant, je pense.
Et toi, tu essayes d’y trouver ta place, sans doute un peu maladroitement, en osant à peine croiser le regard des gens que tu vois en rue. Compliqué d’expliquer sans choquer, sans donner l’impression de porter quelconque jugement. Mais je me souviens en tout cas très bien de m’être dit à plusieurs reprises que je n’avais guère envie de m’éterniser là. Faut il aussi faire remarquer qu’Alice Springs est la seule ville de la région centrale d’Australie. Que ce soit au nord ou au sud, vous pouvez facilement rouler entre 1500 et 2000km avant de revenir à ce qu’on appelle communément la « civilisation ».
Bon, on retiendra quand même les bars aux allures Western et les bières fraîches qui te donnent l’impression d’être un véritable cowboy des années 40.
Après quelques derniers soucis mécaniques enfin réglés, nous prenions donc la route avec Ben au volant de son 4×4, pas toujours très très fiable, il faut bien l’admettre.
Première destination ; Kings Canyon. Nous roulions donc quatre ou cinq heures pour atteindre ce premier trésor perdu au milieu de nulle part. Route de nuit généralement fortement déconseillée en Australie, particulièrement dans ce genre de région où vous avez plutôt intérêt à rester au taquet si vous voulez pas finir avec un kangourou dans le pare brise. Gravel road infinie pendant des centaines de km, la voiture tremblait encore et encore et on tentait d’oublier cette agitation avec une bonne playlist à fond la caisse, croisant les doigts pour ne pas rester coincée quelque part, au milieu de nulle part, pour pas changer.
Après avoir manqué la panne d’essence à une cinquantaine de km près, nous approchions la fin de notre première étape. Camping sauvage et réveil de plus ou moins bonne heure pour aller arpenter les falaises du Kings Canyon. Randonnée de quelques heures ou après avoir monté cette première face assez pentue, nous arrivions sur ce plateau qui surplombe le Canyon. On en fit ensuite le tour, avant d’y descendre en plein coeur moi, les yeux toujours grands ouverts face à un décor que je n’avais encore jamais eu la chance de voir dans ma vie. J’avais enfin l’impression de découvrir l’Australie. Bien que je me remémorais assez souvent les souvenirs sublimes de Nouvelle-Zélande qui m’ont sans aucun doute marqué à jamais, je me surprenais à nouveau à rester bouche bée face à un nouveau spectacle. Le Canyon est d’avantage plus impressionnant par le fait qu’il se trouve au milieu d’un désert plat, sans presque aucun dénivelé et dont tu ne peux jamais entrevoir la fin.
L’expédition journalière continuait jusqu’au fameux et réputé rocher d’Uluru à quelques heures de là, où nous tentions d’arriver pour y voir encore le coucher de soleil. Bah au final, c’est qu’un foutu gros rocher. « Moi, je comprendrais jamais pourquoi les gens roulent pendant des jours pour voir ça ». Combien de fois je n’avais pas entendu cela, je pense même que j’avais du le dire moi même également. Ben maintenant, j’ai compris. C’est qu’un gros rocher, on est bien d’accord mais c’est terrible quand même. A la lumière du soleil qui se couche, je pus admirer les couleurs d’Uluru changer à chaque seconde, atteignant des variances qui semblaient presque irréelles. Ouaai je suis sûre, c’est photoshopé, et ben que dal mon vieux, c’est du vrai de vrai ! Et ça en est presque devenue une attraction. Les gens viennent se poser là, quelques heures avant pour avoir un bon spot, certains installent des tables pour l’apéro et attendent, attendent, cet instant précis pour voir un des plus beaux couchers de soleil jamais connus. J’admets, c’était du lourd et ça en valait la peine.
Après une nuit proche de ce « parc national », nous entamions une nouvelle journée de randonnée aux alentours d’Uluru et de Katatjuta, qui est en fait, une version un peu déformée, plus vaste et plus étalée d’Uluru.
Théoriquement, tu peux monter au sommet d’Uluru. Les australiens qui gèrent le site l’autorisent mais te mettent malgré tout en garde sur les dangers potentiels que cela comporte. Puis il est normalement défendu par les aborigènes de grimper ce rocher, pour eux, considéré comme sacré. Personnellement, j’ai pas testé prendre le risque de m’y aventurer, bien que je ne sois pas très superstitieuse. Y a moment, faut arrêter de jouer avec le feu aussi. T’as cru qu’après 24 ans de malchance et de maladresse légendaire, j’avais envie de risquer d’être maudite pour le reste de ma vie par des esprits ancestraux sacrés ? Ha non non non Monsieur, moi y a pas de soucis je la respecte avec plaisir ta tradition. Sois-dit en passant, Katatjuta c’était quand même pas mal aussi. Immenses rochers aux allures de géant à travers lesquels tu peux te balader et te faufiler à ta guise. Température plus qu’agréable, oui c’est vrai ça j’ai oublié de vous dire, mais quel bonheur de fuir enfin pour de bon l’hiver australien de l’Etat du Victoria. J’avais en quelques jours à nouveau l’impression d’être en plein été. C’est sûr c’est pas en Belgique, qu’en traversant un quart du pays, tu changes de saison aussi facilement.
Quelques jours bien remplis et assez intenses en émotion pour explorer cette région. Après faut être préparé, parce qu’une fois que tu as pu voir ces deux trois lieux tant convoités, c’est parti pour une looooooongue route qui t’amène jusqu’au nord d’Adélaïde. Je ne me souviens même plus de combien de jours nous avons roulé ; deux ou trois je crois. Difficile de dissocier les jours des uns des autres quand tu conduis du matin au soir dans le désert. Et prenait fin déjà ce dernier roadtrip.
Retour à Adélaide. Bon c’est bien joli tout ça, mais je fais quoi maintenant ? Chercher du boulot, ha oui chercher du boulot, c’était initialement l’idée. Nous réfléchissions avec Ben aux différentes options dans la région, tentant de ratisser un peu large dans l’espoir de trouver quelque chose de pas trop mal. J’avais un peu peur du prochain boulot que j’allais réussir à me dégoter pour être honnête. Encore un peu usée par le travail incertain de ferme, et parfois démotivée aussi, j’avais en réalité zéro plan, que dalle, nadaaa.
Bon pour l’expérience, on a testé sur la route de la Smoky Bay ; une journée en bord de mer dans une ferme d’huîtres. Ce ne fut pas très fructueux au final mais c’était marrant. Après avoir sociabilisé avec quelques marins du coin, nous nous retrouvions à trier des huîtres dans un hangar avant d’aller à la pêche à la marée basse en fin de journée. La sortie en bateau était pas mal, combinaison et salopette, j’atterrissais les pieds dans la mer pour aller repêcher les bacs dans les parcs à huîtres au coucher du soleil. Nous finissions le boulot de nuit à la lumière aveuglante des bateaux sur l’eau déjà si sombre (Mamaaan, j’espère que y a pas de requins ici) et retour au bercail (bercail ? Quel bercail ? T’as pas de maison, je te rappelle). Le boss nous offrit le logement pour la nuit ; où, de ton lit tu peux sentir le bon air de la mer et l’odeur de poisson du hangar pour t’endormir paisiblement en essayant de ne pas penser au lendemain. Parce que le lendemain, et ben tu sais pas du tout ce que tu vas glander.
Y a des jours, je vous dis pas, je me demande vraiment ce que je fais de ma vie, haha. Bref, pas trop de travail dans les jours à venir dans ces fermes là, fallait trouver autre chose et de préférence pas dans dix ans.
Bien que je m’étais fixée comme objectif de trouver du boulot rapidement, l’idée d’aller vers l’Ouest, loin tout loiiiin là bas me titillait pas mal. Mes jambes me démangeaient et ma tête y voyageait déjà. Une petite voix me disait que fallait tenter, l’autre me disait que c’était pas super raisonnable. Parcourir 3000km sans savoir ce que j’allais y trouver pour me retrouver d’un côté de l’Australie assez éloigné du reste du pays et donc des potentielles multiples régions où il serait possible de trouver de travail, c’était un peu risqué. Oh et puis merde, si j’avais envie d’être raisonnable après tout, je serais restée le cul collé sur ma chaise en Belgique.
C’est donc seule, au volant de mon carrosse, que je pris une nouvelle fois la route vers l’inconnue. Ben et moi n’avions plus vraiment les mêmes objectifs ou les mêmes attentes devrais-je dire. Bref. Il resta donc finalement dans le South Australia pour tenter du trouver du boulot alors que partais vers l’Etat du Western Australia sans trop trop savoir où j’allais m’arrêter.
Un jour, deux jours, trois jours, presque quatre jours de route à 9-10h par jour. Je roulais encore et encore et avais un peu l’impression de devenir folle. Si la première sensation qui m’avait guidé dans cette direction était l’excitation, venait ensuite la solitude, l’incertitude et une certaine forme d’angoisse. Je n’avais croisé quasi personne tout au long de mon trajet si ce n’est quelques wombats et kangourous en bord de route. J’avais un peu sous-estimé l’affaire. Je commençais à perdre la boule, je me parlais un peu trop à moi-même à mon goût et bien que l’idée de ne jamais pouvoir prévoir ce qu’il se passerait le lendemain me convenait assez bien en temps général, là j’étais tout de même dans le flou.
J’aperçus la côte quelques heures avant d’atteindre Espérance, première vraie ville depuis 2500km. Il était sérieusement temps d’établir un plan d’attaque ; bon, je vais à gauche ou à droite ? Heu, vu que je sais pas trop, alors on va rester au milieu et se poser un peu pour réfléchir calmement. Après quelques jours de prospection et de nombreux envois de cv en tout genre, soudainement, comme un miracle, comme une illumination, quelques chose semblait voir le jour. J’avais un peu laissé tomber les plans fermes en tentant de me dégoter un job plutôt dans l’hospitality.
C’est donc après quelques échanges avec Kathrin, ma boss actuelle, que je reprenais la route une dernière fois pour quelques heures afin de me diriger vers Paynes Find et surtout vers mon prochain et je l’espérais dernier boulot en Australie. PAYNES FIND, retenez bien ce nom car il a déjà et va probablement marqué une période importante de mon séjour en Australie. Cet agréable petit hameau de 10 habitants se situe 400km au nord de Perth dans les terres (et non le long de la côte Ouest). Googlez l’affaire si le coeur vous en dit et ça va donnera une petite idée de l’angoisse dans laquelle je suis tombée haha. Je tiens à préciser que la population de Paynes Find se résume en réalité aux membres du staff qui bossent dans la roadhouse où je suis donc actuellement. Bienvenue dans l’Outback life ! Pour ceux qui se demandent encore en quoi consiste précisément cette roadhouse ; je tenterais de résumer l’affaire en disant qu’il s’agit d’une espèce de shop/bar/restaurant/pompe à essence/motel en un seul et unique bâtiment. Mais il est oùùù le village ? Non, non t’as pas encore compris, c’est nous le village, Monsieur. Pas de réception téléphonique, pas d’autres habitations, en fait tout simplement rien, si ce n’est le désert à des centaines de km à la ronde.
D’où le titre de mon article » Real outback life » qui fait non seulement référence à mes diverses traversées dans les déserts mais également à mon mode de vie actuel. Je fis donc la connaissance de Doug, Ian, Kathrin, Grace, Kat, Jenny & Val. Nationalité Américaine, néo-zéalandaise, australienne, allemande, y a un peu de tout par ici. J’intégrais donc cette nouvelle équipe avec enthousiasme, tentant de m’adapter au plus vite à mon nouveau rôle. Le travail est en réalité composé de trois permanences différentes; celle du morning shift de 6am à 2pm qui consiste à tenir le shop (me réveiller à 5h30 je vais mourriiiir) et tout ce qui va avec, celle du night shift de 2pm à 10:30pm qui revient à la même chose mais avec le bar et un peu plus de service en salle, et celle du cleaning en journée qui consiste simplement à faire le ménage des logements (haaaa les jobs de ménage ça m’avait manqué tiens, heureusement pour moi ce n’est qu’une semaine sur trois).
Et me voici donc aujourd’hui, après déjà 5 semaines de travail acharné, toujours dans ce même charmant lieu qu’est Paynes Find. Ne vous y méprenez pas, la vie y est vraiment différente. Il m’est un peu difficile d’expliquer comment car c’est sincèrement le genre de chose qu’il faut vivre pour comprendre. C’est un peu comme si on vivait dans une bulle, trop éloignée du monde réel pour y prêter attention. Je n’avais jamais expérimenté la chose sur du long terme, mais vivre si reculé de tout, ça peut parfois vous rendre un peu dingue. Néanmoins, il faut bien admettre qu’il y a des événements insolites qu’on ne peut que connaitre ici.
La team de filles devint rapidement une mini famille, ragots et drames dans l’outback, ça radote/ragote sec je vous le dis ! Il se passe plus de choses qu’on ne l’imagine. On a pas trop à chercher de quoi s’occuper étant donné que tout le monde travail 7 jours sur 7. Alors on s’accroche comme on peut et on survit avec ce qu’on a; quelques verres le soir et un nombre incalculable de siestes entre services. Notre réseau social est composé quasi exclusivement des chauffeurs de camions en tout genre, dont les habitués que tu vois passer chaque semaine. Et puis c’est un peu près tout en réalité. Ce qui te paraissait anormal au début est maintenant complètement banal et tu oublies un peu qu’il y a en réalité autre chose que Paynes Find en Australie.
Premier bled et premier supermarché à 5h de route. Alors je vous dis pas quand quelqu’un s’en va pour quelques jours, c’est l’agitation générale. QUELQU’UN VA EN VILLE !! Je répète quelqu’un va en ville ! Si tu as besoin de quelque chose, t’as intérêt à pas rater le coche. Parce que sinon t’es bon pour attendre un bon bout de temps. Bref, j’ai testé pour vous vivre dans le désert, ça a du bon et du moins bon mais une chose est sûre ; ça ne ressemble définitivement à rien de ce que j’ai connu auparavant. 7 weeks to go et puis enfin la liberté absolue! En attendant, on se divertit avec l’arrivée d’un bébé kangourou qu’on adopte ou les camions de chameaux qui passent. Bienvenue sur mars. Bienvenue dans l’OUTBACK. Affaire à suivre…
Merci Jo. Tu as une fameuse plume. Un plaisir de te lire.
C’est dingue ! Quelles expériences inoubliables…… C’est sûr que bien peu de jeunes gens peuvent s’enorgueillir de faire un tel voyage, de vivre de telles aventures ! Keep going, bien joué Joanne ! 🙂