Il m’est encore difficile de croire que je ne vous écris aujourd’hui plus du fin fond du bush australien.
J’en suis donc finalement arrivée à bout. Sept semaines ont passé depuis mon dernier article et ça n’a pas été qu’une partie de rigolade, je vous le dis. Alors que la monotonie nous guettait depuis quelques temps, une extrême fatigue prenait le dessus sur à peu près tous nos semblants d’élans de motivation. Les jours se répétaient encore et encore, sans jamais s’arrêter. Un peu comme si vous vous réveilliez le matin et reviviez la(presque) même journée en permanence. Au compteur, 89 jours d’affilé à travailler. Autant vous dire que j’avais plus beaucoup de patience pour me retenir d’encastrer la tête du premier client chiant dans le mur. Paynes Find, ces doux mots résonnent dans ma tête et leur écho me procure un sentiment indescriptible. Mélange de bonheur et de nostalgie, de satisfaction face au travail accompli et de sûrement bien d’autres choses que je ne pourrais décrire. Combinaison d’une multitude d’éléments qui avait créé un énorme bordel plus ou moins organisé dans ma tête. Notre team était devenue LA Team. Team de voyageurs issus du monde entier, rassemblés en un même point perdu dans le désert, avec tous en tête le même objectif, travailler et économiser autant que possible pour poursuivre nos rêves respectifs. Se donner la chance de les vivre, quel qu’en soit le prix. Bien sûr, cette team ne reste qu’une parmi d’autres, sachant que sont bien nombreux les backpackers qui sont déjà passés par là et ceux qui y passeront dans l’avenir.
Je me suis demandée à plusieurs reprises ce que je pouvais bien raconter à propos de Paynes Find, sans même réaliser que j’étais moi-même entourée de personnes aux histoires les plus différentes et passionnantes les unes que les autres. Ces personnes qui, il y a trois mois, étaient des étrangers, sont alors devenus mes piliers les plus ancrés depuis que je voyage. Kathrin, Jenny, Kat, Val, Grace et Judith. Mes repères les plus solides depuis un bout de temps et j’ai vaguement nié l’évidence qu’il serait en réalité plus difficile que je pensais de m’en détacher. Nous nous étions construits cette bulle, hors du temps et du monde extérieur, bulle dans laquelle chacun essayait d’y trouver un peu sa place, maladroitement parfois. J’ai malgré tout du mal à imaginer quel effet à long terme aurait eu cet endroit sur mon esprit, sachant que je penchais déjà du côté obscur de la folie après quelques mois. C’était littéralement Gossip Girl, mais avec des Kangourous, des camionneurs et du désert partout, partout. Je me suis surprise à me demander plusieurs fois ce que les gens penseraient s’ils voyaient notre façon de vivre d’un point de vue extérieur. Indescriptible. Je ne suis pas certaine d’avoir envie de savoir en réalité. L’isolement, l’éloignement de toute forme de civilisation, vous rend différent. Je ne l’ai réalisé qu’à la fin.
Nous étions toutes issues d’un environnement si différent de celui des autres . Au delà de nos nationalités et de nos âges variés, nous trimballions chacune notre vécu dans notre sac à dos. Et je peux vous dire que pour certaines, ça pesait lourd. Je résumerais donc en disant que j’ai tiré autant d’enrichissement du lieu dans lequel j’ai travaillé pendant 3 mois que des personnes avec qui j’y ai vécu. Val, Grace et Judith sont devenues des amies, si j’ose dire. Et le prochain rendez-vous est « fixé » quelque part en Australie, aux USA en Allemagne ou en Belgique, pour se retrouver et se raconter ce que nous sommes devenues depuis Paynes Find. Je ne sais pas si je les reverrais un jour, mais je suis certaine d’une chose, ces personnalités ont marqué mon voyages plus qu’elles ne peuvent l’imaginer.
Bref Paynes Find, c’était beaucoup de travail et de ragots mais beaucoup de fous-rires et de pleurs aussi, beaucoup d’énervements et de nervosité, mais une tonne de souvenirs surtout. Le seul endroit ou t’auras deux serpents sur ton bar et tout le monde trouvera ça normal, le seul endroit où tu te retrouves à servir une trentaine de motards issus d’un gang poursuivi par la police, le seul endroit où la sieste devient vraiment ta passion, le seul endroit ou ta mascotte est un bébé kangourou, un unique endroit où tu réalises que tu y es si petit au milieu de cette immensité qu’est l’Australie, et un endroit où on te donne la chance, parce que oui c’est une chance, de travailler autant que tu le veux, si le coeur t’en dit et si tu en as le courage, pour rassembler les fonds qui te permettront de rependre la route. Alors c’est sûr, faut pas comparer les heures de sommeil et de travail, faut pas croire que ce sera facile, mais il faut bien admettre que cela constitue un épisode de ta vie, bien différent de ce que tu as jamais vécu auparavant. Et que si tu étais venu pour certaines raisons assez précises, tu en découvriras d’autres en cours de route. Mais. Mais…Ne plus avoir peur de se confronter à une autre façon de faire, de vivre.
J’éprouve encore des difficultés à vous décrire tout cela mais je n’en retiendrais, (presque) que du bon et me sens à présent prête pour une nouvelle aventure. Je citerais un de mes meilleurs et un de mes pires souvenirs pour clôturer ce chapitre. Je commencerais avec le pire parce qu’il faut toujours finir avec le meilleur. Ne me manquera pas, for sure, les truckies pas toujours très respectueux. J’ai souvent pensé qu’ils étaient restés bloqués au siècle dernier, et je ne vais pas vous mentir, ça m’a démangé plus d’une fois de leur balancer quelques bières à la figure en night shift, au regard des blagues salaces et déplacées qu’on a pu se farcir. Je retiendrais donc ce fameux service où j’ai un peu douté sur ma capacité à m’affirmer, même si finalement j’ai repris le dessus (vous vous en doutez bien, ça va un moment mais faut pas pousser Mémé dans les orties). Ben ouai fallait bien leur faire comprendre tout de même, tu sais pas à qui tu as affaire coco ! Mais j’ai compris, ce soir là, que dans l’outback, c’est une autre mentalité… Et ce n’est pas pour rien si on n’engage que des gonzesses dans ce genre d’endroit, ne nous leurrons pas, ça fait marcher le business. Quand ta clientèle est composée à 70% de camionneurs, faut pas être un génie pour comprendre des jeunes backpackeuses issues du monde entier, ça fait tourner l’affaire. Mais me manquera tout de même, les multiples rencontres et clients intéressées par nos histoires, qui te font gagner ta journée.
Mon meilleur souvenir donc, cette « sortie » avec l’équipe, où animées par l’idée de faire quelque chose, pour de vrai, nous sommes parties camper dans le fin fond de la cambrousse. Une soirée qui marquera les mémoires. Le moment où tu réalises que le voyage a pris le dessus sur la vie « normale » que tu t’es tenue de vivre depuis tout ce temps. Parce que oui, c’est plus cool d’aller dormir à la belle étoile dans le désert et le froid, de te trainer une bonne vieille gueule de bois le lendemain, même si tu dois te lever à 5h du matin pour travailler, que de rester dans ton petit lit confortable à l’abri de tout élément perturbateur te sortant de ta zone de confort. Moment spécial avec l’équipe. Ce fut vraiment une bonne soirée.
But était venu le moment de partir, quitter pour de bon Paynes Find. Retourner à la civilisation mais surtout entrevoir la suite de mon voyage. Nous avions prévu de redescendre vers Perth avec Val, ma coupine américaine pour passer quelques jours ensemble dans un autre contexte avant de chacune reprendre nos routes respectives. Elle partait donc pour un dernier trip en Europe, Irelande et Portugal pour être précise, avant de rentrer à la maison. Val, un de mes gros coups de coeur d’Australie. On a vécu le pire comme le meilleur. On s’est donc pris un peu de bon temps avant le grand départ. Notre retour à la ville fut un véritable choc. Je n’avais pas mis un pied en ville depuis 3 mois, ni même traversé un misérable petit bled, rien. Alors autant vous dire, qu’il a fallu un temps de réadaptation. Le monde, le bruit, l’agitation urbaine. J’étais complètement paumée. Tout tournait autour de mois et j’en avais presque le vertige. Au défaut d’être vraiment divertissant, Paynes Find était malgré tout un petit cocon dans lequel on était plus tôt à notre aise, tranquil, posé. Bref comme à mon habitude, l’excitation de retourner à la ville fut très vite balayée par l’envie de se barrer sur la route.
Pour notre premier jour de vacances, nous nous sommes dirigés vers Rottnest Island. Découverte de l’île à Vélo, apéro sur la plage et repos avec les Quokkas. Cela nous paraissait presque irréel. Libertéééé ultime. Hooo c’était bien. On en savouré chaque instant. Fin de journée parfaite à admirer le coucher du soleil depuis le ferry de retour. Nous nous endormions pour une fois, de nouvelles images plein la tête. Et nous n’avions pas finis d’en prendre plein la vue. Cerise sur le gâteau, on avait décidé de s’offrir un petit trip en bateau le lendemain pour aller admirer des baleeeeeines. Ce fut un moment magique. Observer les baleines fut majestueux. On eut la chance d’en avoir une multitude autour de nous pendant une bonne heure. Je n’avais pas vu quelque chose de si impressionnant depuis un bon bout de temps.
Est à nouveau venu le temps des au revoir. Je vous écris depuis l’aéroport de Perth où je viens de déposer Val. Et je vais à présent rejoindre ma nouvelle travelmate que je ne connais pas encore pour démarrer mon dernier roadtrip en Australie jusque Darwin, d’où je quitterais le pays des kangourous. Suis un peu à court de temps alors tous les détails et prochaines aventures dans mon prochain article. Promis j’essayerais de ne pas attendre deux mois cette fois…
PS : pas encore l’occasion de charger toutes mes dernières photos sur ma Gallerie Flickr, il faudra attendre un peu !