Ca sent la fin… Ben oui un peu quand même. Enfin quand je dis la fin, ne vous méprenez pas, vous avez encore la paix pour quelques temps avant de revoir ma tête. Mais dans tous les cas, il sera très prochainement temps pour moi de quitter l’Australie et de voler vers un autre continent, cela n’est pas une surprise, vous vous y attendiez, ma dernière grande aventure est arrivée ; l’ultime voyage en Asie, avant de rentrer au bercail pour de bon (ou pas), m’attend. Et je peux vous dire que j’ai déjà fameusement la bougeotte. Mais avant de tourner cette nouvelle page, laisse moi encore vous emmener à travers les récits de l’exploration de la Côte Ouest. Et croyez moi ça n’a pas toujours été de grand repos !
Le coeur un peu lourd après de nouveaux au revoir, il était temps de laisser partir ma dernière amie (pourquoi tous les gens que je rencontre en Australie partent toujours avant moiiiii) pour courir à la rencontre de nouveaux voyageurs. En l’occurrence, de ma nouvelle travelmate. Impatiente, excitée, j’étais presque en euphorie à l’idée de ce dernier roadtrip. La West Coast, connue pour être bien moins touristique et plus sauvage que la East Coast, m’attirait depuis un bon moment. C’était d’ailleurs pour cela entre autre, qu’il y a quelques mois rappelez vous, j’avais entrepris le long périple South Australia – Western Australia en solo, tentant de rejoindre cette nouvelle région qui me faisait bien envie.
J’avais imaginé un tas de choses différentes et amusantes à propos de Lisa, Irish de 26 ans avec qui j’allais voyager. J’avais imaginé beaucoup de choses. Mais j’étais loin, mais alors très loin, de la réalité. Nous nous étions rencontré auparavant, rien ne m’avait spécialement alerté sur le phénomène. Bon elle avait pas l’air exactement comme moi, mais en même temps on ne voyage pas pour ne rencontrer que des gens qui nous ressemblent, pas vrai ? Diversité, Ouverture d’esprit, tout ça tout ça. MON CUL OUAI, oups pardon, je m’égare. Je disais donc, j’avais tant bosser, d’arrache pied, pour ne plus qu’avoir profiter, rien ne pouvait gâcher ce roadtrip. Du moins, c’est ce que je pensais.
Nous prenions donc la route, départ de Perth pour un roadtrip de deux trois semaines, direction Darwin, le tout en longeant la Côte Ouest. Les premières heures de route furent détendues, bonne ambiance, musique, et tout ce qui nous faut pour être heureux. Mais lorsque nous approchions de notre premier campement, je la sentis un brin fébrile. Elle m’avoua, discrètement, qu’elle n’avait en réalité jamais vraiment fait de camping. Bon, c’est pas grave, ça va être marrant. Arrivée nocturne, la meuf quasi tétanisée. Elle me regardait avec ses yeux vides, l’air de dire et maintenant on faaaait quoi ? Bah quoi on fait quoi, on s’allume un feu, on sociabilise si on a des voisins, on se prend l’apéro et de base on passe une bonne soirée. Non ? apparemment non… Sa fausse bonne humeur laissa rapidement place à une angoisse communicative dont je ne comprenais absolument pas l’origine. Et le malaise s’installa. Bon d’accord j’avais pas choisi le spot le plus luxueux qu’on puisse trouver, mais pour être honnête, moi je m’en calais comme de l’an 40. Et alors que j’étais prête pour une soirée connaissance autour de quelques verres, elle partit rapidement se coucher sans un mot. Ha ben ça va être sympa dis moi. Bon, il lui fallait peut être un peu de temps d’adaptation, ne pas juger trop vite Jo, blabla. Bien que la vue de ses ongles roses et mauves pailletées d’étoiles et de coeurs me donnait déjà des boutons, je tentais de ne pas m’arrêter à cela.
Réveil à 100km du Pinnacles Desert, sans un mot toujours. Nous pénétrions dans le parc National de Nambung. La côte sauvage à l’état désertique montrait déjà le bout de son nez. Vaste étendue de sable doré où se dressent des tours de roches de calcaire qui donnent une vision assez inédite du paysage. Dénué de toute végétation, le désert prenait alors pour mois une toute autre dimension que le désert que j’avais connu pendant si longtemps. Car contrairement à ce que l’on pense, la majorité du bush australien, et des déserts qui le composent ne sont pas recouverts de sable ou de dunes, mais plutôt de cette terre rouge qui s’étend à des centaines de km à la ronde, de manière infinie. Minuscule ballade à travers ces pics rocheux sur un fond bleu d’océan qui surplombait le tout, j’étais en mode positive, ça va être une bonne journée ! Puis elle m’a regardé, je l’ai regardé, on s’est regardé et on est parti. Je conduisis quelques heures avec un fantôme en guise de travelmate jusqu’à un prochain de vue plus haut sur la côte : le Pink Lake à Port Gregory. Ca m’a rappelé le big fail, à Esperance dans le Western Australia où ce gigantesque lac était censé être rose, mais en fait ne l’était pas du tout et avait plutôt des airs de la Mer du Nord. Bref pour le coup, celui-ci il était bien rose. Emerveillée devant un spectacle que je n’avais pas encore vu bien qu’il me rappelait un peu Wai O Tapu et son lac aux multiples couleurs en Nouvelle Zélande, je tentais de briser la glace avec un lunch sur la plage. Ce fut le premier grand drame, haha. Elle me fixa, genre on va manger, là ici sur le sable ? Ben oui, ici, qu’est-ce qu’il te faut un trône pour poser ton cul de princesse, ou … ? Bon en vrai, je lui ai pas vraiment dit ça, mais autant vous dire que ça me démangeait pas mal. Elle me questionna sur les prochaines villes que nous étions soupçonnées de croiser, et ben ma pauvre tu vas être servie, haha. La prochaine « vraie » ville est Exmouth et n’est qu’à un gros 1000km de là où nous sommes. Bienvenue en Australie, et surtout bienvenue sur la Côte Ouest. Je crois qu’elle a oublié un ou deux éléments dans ses recherches.
Vous l’aurez donc compris, je commençais à comprendre que elle et moi, à mon avis on allait pas être sur ma longueur d’ondes, et on venait probablement de deux planètes très très éloignées dans l’univers. Le temps passait donc, lentement, très lentement, et sans l’ombre d’un sourire à l’horizon. Elle commençait sérieusement à me les briser avec ces désirs de princesse coincée, je vais appeler Papa Maman parce que c’est trop difficiiiiile. Oui bon, calme toi, on fait pas Koh Lanta non plus. Lors de notre troisième nuit de camping, j’ai tenté l’initiation, ON FAIT DU FEU. J’ai hésité à lui faire croire qu’elle allait devoir l’allumer avec deux pierres de silex, mais je me suis dit qu’à mon avis, elle ne survivrait pas à cette mauvaise blague. Puis si d’un côté, ça devenait assez lourd et pesant pour moi, je n’osais pas imaginer ce qu’il se passait dans sa tête à elle, surangoisée à l’idée de ne pas pouvoir refaire sa manucure dans les prochaines 24h. Ses moindres réactions me faisaient bouillir de l’intérieur et ce roadtrip censé être idyllique se transformait peu à peu en cauchemar. On ne se rend pas compte de l’importance des gens avec qui on voyage, jusqu’au jour où on voyage avec quelqu’un qui casse les couilles du matin au soir et qui m’apporte autant de fun, voire moins probablement que quand je triais des patates, c’est pour vous dire…
Prise d’un dernier élan de bonne foie, j’acceptais de m’arrêter à un prochain campement un peu plus « confortable » près de Monkey Mia et de la Shark Bay. Trois jours avaient passé, et j’avais l’impression que nous étions parties depuis 10. C’était l’enfer. Elle passait son temps sur son téléphone, à raconter à ses potes/famille comment la vie de voyageur était difficile, par le manque de confort et dû à notre situation « précaire » comme elle disait si bien. J’entendis au loin un » non mais je te jure maman on va mourir ». Haha, fou rire intérieur. J’avais envie de lui dire, non toi tu vas probablement mourir oui, moi je pense que ça va aller.
Je tentais d’embrayer l’affaire en lui demandant si elle était certaine que ca allait le faire, le mode de vie camping à l’arrache pendant deux semaines. J’étais face à un mur. Si elle était probablement effrayée à l’idée de poursuivre comme cela, elle devait l’être encore plus à l’idée d’être abandonnée au milieu de nulle part, sans réseau. Il fallait donc agir. Je t’aime bien cocotte, non en fait je t’aime pas mais peu importe, je pense que ça va pas le faire du tout. Alors j’y ai bien pensé; à tous les stratagèmes que je pouvais utiliser pour qu’elle craque et m’abandonne en cours de route, mais même le coup de « quoi tu savais pas, en général moi je prends ma douche avec l’eau de la vaisselle sale » n’a pas marché. Encore une blague qui n’est pas passée apparemment. Pour crever l’abcès, il n’y avait pas dix mille solutions. J’y ai donc été franco, avec la plus grande diplomatie du monde, en lui disant ma petite, je pense que tu n’es pas vraiment faite pour ce type de voyage/roadtrip. Non je ne vais pas booker un hôtel tous les deux jours pour satisfaire des besoins, oui je continuerais à cuisiner sur mon gaz cooker au lieu d’aller au resto, bref ce n’est pas les exemples/arguments qui me manquaient pour la convaincre qu’il fallait probablement mieux qu’on se sépare rapidement.
Elle parut presque soulagée à l’annonce, ce qui m’arrangeait bien je l’avoue. Et étonnement la soirée qui suivit fut même intéressante. Quelques verres au bar du camping, discussions, attention j’ai dit discussion, elle a parléééé et enfin coucher de soleil splendide sur la plage de Monkey Mia, il y avait de l’espoir. Nous nous étions mis d’accord sur le fait d’aller jusque Broome ensemble, ce qui ne m’enchantait pas des masses étant donné qu’il y avait encore facilement 3-4 jours de route. Mais bon, on fait des compromis, on y met du sien, puis ça va aller. Réveil matinal pour aller voir trois pauvres dauphins, entourés de 150 chinois se bousculant sur la plage pour faire un selfie, j’étais aux anges. Elle paraissait comblée.
Et puis naturellement, comme une évidence, seulement une nuit de plus en camping a suffit à faire craquer. Nous avions passé une partie de la journée près de la Coral Bay (qui soit dit en pensant n’est quand même pas un endroit trop dégeulasse) et reconnue pour sa fameuse Ningaloo Reef qui fait compétition à la Grande Barrière de corail de la Côte Est. Et alors que nous pouvions entrevoir l’entrée imminente vers la ville d’Exmouth, elle me fit comprendre que je pouvais la déposer au premier café de la ville. Ouaaaaai, champagne. Je sais c’est pas gentil et tout, mais elle m’avait vraiment poussé à bout avec ses caprices à la con. Ceci allait donc enfin être une belle journée, Lisa bonne route et sans rancune, mais j’espère à jamais !
Je repris donc la route en solo, mais comme on dit vaut mieux être seul que mal accompagné ! Prochaine destination : Karijini National Park. On va aller randonner un peu et évacuer toutes les mauvaises ondes que cette greluche m’a collées. Musique à fond, grand soleil et liberté, j’étais repartie de plus belle. Me suis même surprise sur le toit de ma voiture, à la base montée là pour prendre une photo, à crier de soulagement. Ca faisait un peu Alex Supertramp dans Into the Wild « Est-ce que quelqu’un m’enteeeeend ? ».
Parc national très isolé, il me fallut quasi une journée entière de route pour y parvenir. Mais après une première nuit de repos, j’étais d’attaque dès l’aube, pour aller arpenter les recoins les plus perdus de Karijini. Un nombre incalculable de gorges, chuttes d’eau, piscines naturelles composent cet trésor encore bien réservé. Karijini c’est un peu comme une oasis en plein milieu du désert. Les possibilités de randonnées y sont infinies et si vous aimez bien ça, y a de quoi s’éclater. Entre marche et grimpe, j’explorais à ma guise les profondeurs des gouffres d’une hauteur vertigineuse et il ne m’en fallait pas beaucoup plus. J’ai marché pas mal seule, puis rencontré trois mecs italiens avec qui j’ai passé un peu de temps, un kiwi et un australien le lendemain, et sinon je n’avais plus qu’à supporter ma propre personne, ce qui était déjà pas mal. Dodo habituel dans mon carrosse, coffre ouvert, tête penchée vers le ciel, je n’étais plus très inquiète.
Après ces quelques jours où mon cerveau avait enfin pu évacué les mauvaises choses pour ne laisser place qu’aux bonnes, j’avais alors en tête d’atteindre Broome rapidement. Bien que les quelques derniers jours m’avaient fait un bien fou, j’aurais malgré tout bien aimé retrouver quelqu’un pour continuer ce roadtrip. C’est qu’il me restait encore plus de 3000km jusque Darwin tout de même.
J’avais décidé de rester une ou deux nuits à Broome, histoire de me poser un peu et de potentiellement rencontrer du monde pour continuer la route. A peine arrivée dans mon auberge, j’y rencontrais Robyn, une anglaise, avec qui j’avais un peu échangé au préalable et qui cherchait elle un lift dans la même direction ! Quelle veine, quelques apéros plus tard, il semblait bien que le feeling passait pas trop mal et en moins de temps qu’il n’en faut pour changer ses plans, on se voyait déjà continuer ensemble. Mon court séjour à Broome m’offrit un peu de repos et de divertissement ; marché nocture et sunset sur la plage pour observer les chameaux passer, ce petit coin de paradis ne manque pas de points forts pour attirer les touristes. La dernière grande aventure commençait, plus motivées que jamais, nous partions le tout dans une ambiance bien différente de celle que j’avais connu pour une dernière semaine de voyage. On oublie souvent que les distances sont très très très longues en Australie, vous allez me dire c’est le principe du roadtrip d’être sur la route mais tout de même. Les centaines de km défilaient et les fou rires aussi, on était pas trop mal.
Première nuit de campement et rencontre avec une famille aussie en soirée, découverte surprenante quoi que très intéressante, nous refaisions le monde avec nos nouveaux amis cinquantenaires. Nous avions quitté la fin de la Côte depuis Broome pour rerentrer dans les terres, et comme d’hab devinez quoi ? On était bel et bien au milieu de nulle part. Nature sèche et chaleur accablante, on sentait qu’on arrivait doucement au Nord. Maigre frayeur en pleine nuit due à un bush fire qui s’était déclenché à proximité du campement, Robyn me bouscula en gueulant « on va craaamer ». Réveillée en sursaut après avoir failli m’assommer moi même en oubliant que le toit de ma voiture est en réalité très proche de mon lit, je tentais de lui expliquer que nous n’allions pas finir au bûcher mais simplement déguerpir de là vite fait, bien fait. Outre quelques mésaventures plus drôles qu’autre chose au final, notre roadtrip prenait un chouette tournant. Rencontres quasi différentes tous les soirs, on traçait notre petit bout de chemin sans trop se préoccuper du reste et ça faisait du bien !
A partir de la ville Katherine, on prit plus le temps de découvrir tranquillement. Nous avons passé notre dernière partie de roadtrip dans les gorges de Katherine et dans le parc national de Litchfield, splendide vraiment ! Après plusieurs tentatives de grands efforts, nous avons d’avantage penché pour l’option on saute dans la première piscine naturelle qu’on voit dès qu’on en croise une, pour peu qu’il n’y ait pas de crocodiles dans les parages. Les températures montaient jusque des 35 degrés facilement, rendant toute activité « sportive » disons un peu compliquée. Les nuits dans la voiture ne nous apportaient que très peu de sommeil, la chaleur et ces fucking fliees rendaient notre quotidien plus difficile. Mais sans avoir le temps de s’en rendre compte, nous arrivions à Darwin où tout cela prenait fin. Robyn voulait absolument alors voir les crocoo, omniprésents dans le territoire du Nord. On a tenté l’expédition en bateau et ben je peux vous dire qu’on ait pas les malins à les observer dans leur habitat naturel. Ce fut impressionant certes, mais effrayant aussi !
Il était alors temps de commencer à remballer mes affaires pour décoller bientôt vers de nouvelles destinations. Voila maintenant une semaine que je suis à Darwin dans une auberge, qui on ne va pas se mentir est bien cafard mais ma tête est déjà dans les nuages je crois. Voiture vendue, dernières pages de mon carnet remplies des derniers récits, comme je vous le disais tout cela sent un peu la fin.
Alors qu’est-ce que je retiendrai de l’Australie ? C’est une très bonne question. Probablement un point de vue qui diverge pas mal de ceux des voyageurs que j’ai rencontrés ici. Si par moment, parce qu’il m’était difficile de sortir des sentiers battus, je sentais le besoin de respirer loin de ces centaines de milliers de backpackers qui sillonnaient les routes, il faut bien reconnaitre que quelques amitiés exceptionnelles y ont vu le jour. Il m’est compliqué d’exprimer tout cela, sans doute par manque de recul. Je dirais que mon séjour dans l’immensité qu’est l’OZ fut un heureux mélange de découvertes, de désillusions, de détermination, de travail acharné, de désert, de beaucoup de désert, de surprises, de prises de conscience, de paysages à couper le souffle, de fou rires, de boulot encore et encore, mais dans tous les cas d’événements plus formateurs que jamais. Et c’est sans doute dans la difficulté, que sont nés mes plus beaux souvenirs. Des centaines d’images plein la tête de ces vastes étendues infinies, je ne peux qu’achever ceci avec un brin de nostalgie, retraçant le chemin accompli et les 30.000km parcourus au volant de ma maison mobile. Australia, tu m’as fait rêver comme tu m’as fait chuter, mais une chose est certaine, tu m’as fait sentir plus vivante que jamais.
Sur ce les copains, je vous dis à bientôt en Asie pour la dernière et plus grande étape de mon voyage. En espérant pouvoir vous narrer de nouvelles choses, bien différentes et sans doute plus passionnantes que celles qui ont marqué ces derniers mois. Il est à présent temps d’écrire ce nouveau chapitre, et croyez moi je compte bien en profiter ! Première destination l’Indonésie <3
Gallerie Flickr complète des dernières photos de l’Australie, n’hésitez pas à aller y jeter un oeil si le coeur vous en dit 🙂