30 novembre 2017
Il était temps de quitter mon paradis du Rattanakiri pour redescendre vers le Sud. Et le terme de « descente » est bien choisi. Le désavantage quand on quitte un endroit vraiment apprécié et qu’il est parfois difficile de se remettre en marche. Et ce fut le cas à Kratie, mon premier arrêt où j’ai finalement passé moins de deux jours. Tourisme de masse qui s’affole autour de cette ville, seulement connue pour héberger des dauphins d’eau douce dans le Mékong. Si d’abord je m’étais motivée à aller les voir, je changea rapidement d’avis en creusant un peu le sujet. Des dizaines de bateaux à touristes s’agitent dans tous les sens pour aller voir les trois pauvres derniers dauphins survivant, à peine visibles, dans cette eau polluée et envahie de plastique en tout genre. Ni le bruit du moteur, ni les gens, ni l’environnement ne me tentaient vraiment. Je décide donc de faire demi tour pour aller me balader tranquillement en bord de rivière et au marché.
Quoi t’as été à Kratie et t’as pas vu les dauphins ? Ben oui mec, je suis probablement la seule mais franchement à entendre les histoires, ces pauvres dauphins m’ont plus l’air d’une attraction pigeon que les locaux essayent de maintenir plutôt que d’une espèce qu’on tente encore de protéger. Je passe donc mon tour. Je me console tout de même avec un coucher de soleil plutôt pas mal en fin de journée. #Manqueraitplusqu’elleseplaigne.
Avec le voyage passant, je me fais souvent rapidement une idée brève des lieux dans lesquels je mets les pieds, parfois à tord et tant mieux, mais parfois à raison aussi. L’avantage de voyager seule c’est que rien ne m’empêche de bouger si ça ne me plait pas. Et c’est donc ce que je fais. #jemenfousjefaiscequejeveuxdabord.
Quelques trajets de bus plus tard, j’arrive finalement à Kampong Cham, petite ville un peu plus au Sud. Je n’avais pas trouvé de dortoir et je m’autorise donc une chambre privée pour moi toute seuuule pendant deux nuits, ouuuh le luxe. Je prends le temps de flâner. J’ai envie de jeter mes affaires en l’air dans toute la chambre tellement je suis ravie d’avoir de l’espace. C’est qu’en général, c’est assez limité un lit et un sac à dos comme espace de vie. La famille qui tient la guesthouse est assez accueillante et je fais quelques belles rencontres qui animent un peu mes soirées.
Peu de touristes en rue, un lieu encore presque plein d’authenticité. La ville n’est pas grandiose en elle-même mais les gens y sont assez gentils et on peut s’y laisser porter sans soucis. J’ai du mal parfois, depuis que je suis en Asie, à me dire que je m’habitue à la pauvreté. Comme une banalité. Je me surprends à être moins choquée, quoi que toujours interpellée par un tableau dont je connais maintenant le contenu. L’environnement me devient familier, bien que j’y suis et y resterai toujours une étrangère. Je m’en vais visiter deux temples sur la colline des hommes et de femmes, je partage une noix de coco avec un petit monsieur qui m’en conte les légendes. Je me perds dans les champs de canne à sucre, je contemple les paysages le soleil couchant. La région me plaisait pas mal, bien que rien ne m’avait réellement impressionné, j’y apprécie la vie. Et c’est sans doute dans ce genre de réflexion que se résume le mieux mon séjour au Cambodge. Pas de Canyon, de volcan ou de gigantesque montagne. Mais plein de gens. D’humilité. De gentillesse. De sourires. Une population surprenante dans ses relations humaines bien que très appauvrie.
Après deux nuits en ville, je décide de passer de l’autre côté de la rive, sur l’île de Koh Paen. J’ai entendu qu’il y avait un lieu sympa pour les voyageurs. Et je ne fus pas déçue. J’emprunte le nouveau pont en construction pour y accéder alors que normalement seul un pont en bambou (reconstruit chaque année car emporté et détruit lors de la saison des pluies) permet d’y pénétrer. Et j’atteris dans ce petit coin caché qu’est la Bamboo Hut.
Comme un mini village au milieu d’une île complètement épargnée par le tourisme (du moins pour l’instant). Aucun hôtel ou restaurant à l’horizon. Seule, cette fameuse « bamboo hut » tenue par un couple de français Max et Helen, accueille des voyageurs. On y va clairement pas pour le comfort. Pas de bâtiments ou de chambres en vue, « juste » quelques petites huttes ouvertes où sont suspendus des hamacs. Une sorte de dortoir en plein air, en somme. Je pose donc mon sac à côté de mon hamac et commence à apprécier l’ambiance de cet endroit vraiment particulier. Une terrasse en bois au bord du Mékong, un bar em bamboo et des gens sympas, de quoi prendre le temps de se la couler douce clairement. Cet endroit est un peu comme un piège, une fois qu’on y rentre, on ne veut clairement plus en sortir.
J’y rencontre Cléa et Karine aussi qui aident Max et Helen en début de saison ainsi que Maud et Sandra, d’autres voyageuses. J’avais prévu de rester une nuit pour « l ‘expérience », j’y resterai finalement quatre jours et partirai à contre coeur. Ballade à vélo sur l’île, manger dans des boui boui locaux, prendre l’apéro, échanger nos histoires de voyages, faire la sieste dans le hamac. Vous l’aurez compris, pas de quoi se prendre la tête. L’île est assez belle à parcourir. Les maisons sur pilotis ne sont pas entassées, des jardins de fruits et potagers à foison. Les enfants s’y déplacent à vélo. Je parcours les routes poussièreuses où les poules et vaches y sont de tous les côtés. Forêts de cocotiers, champs agricoles, un grand village dans toute sa simplicité. Il fait bon y vivre.
Et cela correspondait bien à mon mood du moment. Lacher un peu le rush de voyage et l’envie de tout voir pour prendre le temps de vivre. C’était quand même un peu l’idée en voyageant, vivre et s’y plaire sans devoir songer à quelconque contrainte d’une vie toute tracée. Je ne ressens pas le besoin d’avoir plus. Je me surprends même à pas trop mal dormir dans le hamac qui me sert de lit. Je n’ai pas l’impression d’y être invitée, j’ai l’impression d’y être naturellement. La team est super et nous passons de vrais bons moments. Fariente sous une chaleur adoucie par le vent. L’île de Koh Paen et la bamboo hut resteront définitivement ancrées dans ma mémoire.
A force de prendre mon temps, c’était déjà quasi la fin de mon visa d’un mois au Cambodge. Et pour mes quelques derniers jours, je décide tout de même de bouger une dernière fois pour aller découvrir le Sud entre les villes de Kampot et Kep, en bord de mer. Quelques rues de restaurants touristiques mais un paysage plus qu’agréable, surtout enfin de journée. J’y passerai donc la fin de mon séjour. J’y ai rencontré un petit mec au milieu de nulle part qui me me fait faire un tour sur sa barque à travers la « cathédrale verte », forêts de cocotiers et de palmiers, complètement immergée, aux bors de la ville de Kampot. J’y ai observé les lucioles lumineuses par centaines dans les arbres qui longent la rivière, après un coucher de soleil mémorable en bateau.
Les environs permettent une « ascension » jusqu’en haut d’une montagne qui donne un magnifique panorama sur la côte cambodgienne et l’océan auquel j’ai eu droit après avoir sillonné la longue route en scooter qui y mène. Hormis le gros casino horrible construit en son sommet, le coin est vraiment beau. Casino qui , précisons le, a été construit par des chinois après que le précédent casino, maintenant abandonné et en ruines n’ait pas du tout marché. Genre on a planté un truc là auquel personne ne vient, alors on va en reconstruire un autre à côté plus gros, plus haut et plus luxueux histoire qu’encore moins de gens y viennent. C’est bieeeen les gars. Pour la logique, on repassera donc.
J’y ai aussi rencontré un couple d’allemands avec qui j’irai visiter une culture de poivre, symbole et fiereté de la région. J’en apprendrai beaucoup sur le poivre, ce qui me plût bien jusqu’à la dégustation de poivre et piments dont on aura clairement du mal à se remettre. On avait tellement la bouche en feu, qu’impossible de se rester concentré sur ce que ce pauvre guide essayait de nous expliquer. Mais faut gouuuter, allééé. Oui Ben ça va, j’ai gouté, tu me laches la grappe maintenant que je sais presque plus respirer ? Parce que ne pas mourir con d’accord, ne pas mourir du tout, c’est bien aussi Monsieur !
Les champs de sels occupent le paysage aussi, dès que l’on sort un peu de la ville. Kampot a donc de quoi à offrir à ses voyageurs, ravis à la vue d’une campagne digne du Cambodge. J’y recroiserai également Cléa et Karine de la Bamboo Hut avec qui j’y passerai ma dernière soirée, en compagnie d’autres amis à elle. Une belle note pour la fin car le lendemain m’attendait le marathon retour à Phnom Penh pour mon vol de 19h, direction le Vietnam. Malgré les 5h de marge calculées dans mon itinéraire du lendemain et le fait que j’étais censée avoir toute l’après-midi tranquille à Phnom Penh, je faillis manquer mon avion de peu. Un bus en panne, un accident de tuk tuk en ville, bref je vous épargne les détails de ma journée chaotique mais je ne vous cache pas le soulagement après avoir embarqué la dernière dans l’avion.
Le Cambodge, c’est déjà finit. Et je ne pourrais résumer cela que d’une seule façon ; on n’y voyage pas si ce n’est pas pour rencontrer. Si l’on n’est pas ouvert à cette population touchante, accueillante et intéressante, à ce pays chargé d’histoire et de recoins paisibles où s’y perdre dans un décor harmonieux et chaleureux. Difficile de ne pas être marquée par tout cela mais aussi par ce qui tourmente d’avantage. Par cette précarité aussi, par la pollution et la non-gestion des déchets, par ces enfants sur les chantiers, par ces scènes de vie qui témoignent d’une grande pauvreté. Mais surtout par ce peuple qui s’est relevé de façon assez impressionnante seulement une vingtaine d’année après Pol Pot et les khmères rouges.
Mon expérience fut donc bien différente de l’Indonésie et tant mieux, je n’en regrette rien. J’y ai aimé : prendre mon temps tout en voyageant, le rythme de vie, les centaines de sublimes temples, la campagne typique cambodgienne, la jungle et les découvertes de minorités ethniques, dormir dans mon hamac, les visages et expressions de joie communicative, la simplicité et l’authenticité.
Au matin du 10 décembre, je partais alors pour le Vietnam…