Nous étions donc au début du mois de février et mon séjour au Laos touchait déjà bientôt à sa fin. Quoi de mieux que d’aller se la couler douce en mode fariente au Sud pour profiter pleinement de la chaleur locale dans le décor paradisiaque des fameuses 4000 îles ! Je reprenais donc une nouvelle fois ma route en solo à destination de Paksé. Alors que je fus d’abord ravie et étonnée du confort auquel j’eus droit en bus de nuit, il ne fallut pas très longtemps pour revenir au mode de voyage local. J’étais bien installée certes, mais j’étais surtout accompagnée d’un charmant compagnon de voyage qui me berça au fil des heures par le doux et harmonieux son de son cocorico au bout de mon « lit couchette ». C’était le retour de la ferme infernale dans le bus, claaaassique, classique.
Arrivée au petit matin dans la ville de Paksé, je tente de comprendre comment me rendre jusqu’au 4000 îles dans la journée, quitte à être déclassée autant faire perdurer le plaisir foklorique du trajet jusqu’au bout. Au bras de deux nouveaux copains allemands, je me mets donc en chasse aux quatre coins de la ville à la recherche de ce fameux bus qui devrait, en théorie, nous amener au paradis. Gare du Nord, gare du Sud, après plusieurs et interminables aller retour en tuk tuk (il y en a au moins un qui a gagné sa journée dans l’histoire), nous finissons par trouver l’info tant recherchée, aaaaalleluia. Sauf que la notion de « bus » n’est apparemment pas quelque chose d’universel. Résultat après avoir presque ramassé l’allemande devenue blanche comme un linge à la vue du « bus » en question, nous faisons encore une fois demi tour laissant ce charmant véhicule prendre sa route sans nous (un espèce de truc mutant non indéfinissable entre le tuk tuk, le camion et le vélo pour un trajet de quand même plus ou moins 5h). C’est qu’au final j’y serais quasi bien montée dans ce monstre démembré mais faut dire que les réparations de dernière minute sur le moteur n’inspiraient pas grandement confiance à la défense de ma nouvelle copine un peu #fragile. Retour au centre ville, négociations et embrouilles en tout genre, nous finissons par trouver un lift pour démarrer quelques heures plus tard. Je recroise Ana, une allemande avec qui j’avais passé du temps ma dernière semaine en Australie, complètement par hasard, le monde il est tout piti et tout grand à la fois !
Il faut croire qu’il y a tout de même une justice dans ce monde car nous arrivions malgré tout pile à l’heure pour l’apéro sur l’île de Dondet après une fin de journée en minivan et une brève traversée en bateau. Et c’est un peu comme si on plongeait dans une carte postale. Les îles ne sont praticables que par d’étroits sentiers de terre qui en font le tour, les bords de rive habitées par un enchainement de bungalows en bamboo et de hamacs à tout va. Bars à l’ambiance youkou et atmosphère hippie des années 60 pour les touristes, au milieu d’un peuple qui vit au rythme calme mais dansant de l’île, c’est un coup à finir comme Di Caprio dans le film « La plage ». Une fois que t’y mets les pieds, tu n’en repars plus jamaaaaaais. Fruit shake, cocktails, sieste et quiétude, voilà une belle recette du bonheur dans toute sa simplicité.
Pourquoi les 4000 îles, me diriez vous tout de même ? Alors au total, je n’ai compté que 3 îles vraiment peuplées, mais c’est certain que si on prend en compte les centaines d’arbustes nichés dans l’eau du Mékong, il y en a peut-être bien 4000 des îles. En même temps c’est certain que c’est plus vendeur que les 3îles et leurs amas de verdure noyée. Ils doivent avoir le sens de l’humour ces lao. Bon, autant le dire honnêtement, l’activité principale de la région ne se concentre principalement qu’autour des apéros au bord de l’eau, ce qui, vous vous doutez bien, était vraiment difficile à supporter. J’y passerai 4 ou 5 jours facilement où je recroiserai pas mal de copains rencontrés sur la boucle de Thakek à moto. Des potos, un jeu de carte et quelques verres et le temps file vite je vous assure. Ca faisait carrément « vraies vacances » ! Mais elle va se taire celle là, elle est en vacances depuis 6 mois. FAUX, je suis en voyaaage ce n’est pas du tout du tout pareil :D. Bon comme se la couler douce c’est bien mais pour les névrosées du repos comme moi, mais ça a clairement ses limites, je parcours tout de même l’île de Dondet et de Dong Khone à vélo, histoire de dire que voilà quoi. Je tire jusqu’aux cascades de Li Phi, reconnues pour faire partie intégrante du groupe privilégié des plus grandes d’Asie du Sud-Est. Ce n’est pas tant la hauteur qui impressionne honnêtement mais le débit d’eau qui s’écoule sur une largeur assez badass jusqu’aux confins de la frontière avec le Cambodge.
Archipel digne d’un réel havre de paix, composé d’îles paisibles où tout se déroule hors du temps, il n’y avait définitivement pas de meilleure façon de terminer au Laos. Regard perché vers l’horizon au coucher de soleil, au travers des ombres et reflets de paysages naturels magnifiques, ma copine la nostalgie venait déjà se plonger dans le fond de mon verre. J’écrivais encore et encore dans mon journal de voyage et tombais à court de mots pour décrire ) quel point ce pays m’avait véritablement conquise. Depuis l’extrémité Sud du Laos, il était donc temps de rebrousser un tout petit peu chemin vers le Nord pour traverser la frontière avec la Thaïlande et rejoindre Bangkok ! Oh joie ! J’aurais bien prolongé mon visa ici pour tout dire mais bon allons de l’avant, il fallait bel et bien continuer à tracer son chemin. Après Presque 24h de transports en tout genre, j’avais non seulement franchi la frontière par voie terrestre mais rejoint la fameuse capitale thaïlandaise qui ne m’attirait pas des masses. C’est que j’ai quasi l’impression de devenir une fille de la campagne avec ce voyage.
7 février 2018. 5h du matin.
Arrivée à la gare de Moh Chit de Bangkok. Tête dans le brouillard, plus paumée que jamais dans cette gare routière presque deux fois plus grande que toutes celles du Laos réunies. Nous tentons de nous frayer un chemin avec une espagnole et une française avec qui j’avais fait connaissance lors de ma longue traversée. On tourne dans un sens, dans l’autre, tentant désespéremment de trouver le bus qui nous amènera au centre ville. Quelques échappées de taximen frauduleux plus tard, nous finissions par nous faire comprendre et trouver le carrosse qui nous emmènera au coeur de Bangkok. Mes idées sont ailleurs. Mon cerveau complètement assommé par la transition radicale de deux univers totalement différents. Les bruits, les gens, la circulation font résonner la voix intérieure épuisée dans ma tête sur le point d’exploser. Je me demande un peu ce que je fous là. Appréhender Bangkok ne fut clairement pas chose aisée. Vivante et probablement pleine de ressources cachées, la Thaïlande ne me fit pas de première grande impression. Je n’y passerai que deux jours. J’ai malgré tout aimé; circuler en bateau d’un point à l’autre de la ville et et le métro aérien. Mais l’effervescence urbaine me donne carrément le cafard. Je tente une mission shopping histoire de jeter quelques vêtements usés et troués depuis des mois, pour finir par être oppressée par la grandeur des malls de Bangkok et m’acheter une chemise à 150 baths dans un boui boui planqué. Efficacité maximale. C’est beau le retour à la civilisation !
Je n’avais que deux semaines à passer à Thaïlande, calcul d’itinéraire un minimum obligé, c’est d’ici que je redécollerai pour la Birmanie dans le courant du mois. Autant dire qu’en deux semaines, y avait plutôt intérêt à faire des choix. Les plages touristiques du Sud ne m’attiraient guère et j’avais déjà rechargé les batteries à ce niveau au Laos. Alors que le Nord, lui réputé pour être plus naturel et sauvage, m’appelait d’avantage. C’est donc très rapidement que je prenais la direction de Chiang Mai. C’est repartiii pour 12h de bus. Chiang Maaai, la ville coup de coeur des voyageurs en Thaïlande ! Je n’en n’avais entendu que du bien. Je ne fus certes pas déçue. Malgré une occupation touristique assez importante, on y respire et on profite bien plus aisément de la vie locale thaïlandaise version ultra moderne comparé à ce que j’avais connu sur les quelques dernières semaines. Cette cité non chalente incarne tout de même, selon mon point de vue, un aspect bien plus séduisant de la Thaïlande que Bangkok. Centre ville en forme carrée, encadrée de remparts parfois un peu en ruine, je ne peux qu’admettre que le lieu dégage un certain charme. Je sillonne la ville à pied pendant deux jours, prenant tout doucement mes marques et explore les nombreux temples bouddhistes dans les ruelles qui serpentent à tord et à travers. Je trouve même un certain côté agréable à cette ville légendaire du Nord et ça fait sacrément du bien. Mais l’esprit de pure aventure me donne vite des fourmis dans les jambes. Je décide donc de consacrer tout le temps qu’il me reste à un nouveau roadtrip d’une grosse semaine, en moto Simooone ! Je me loue une petite 125cc au calme et part sur la route en solo.
On l’appelle la boucle de Mae Hong Son, tiré du nom du village qui se situe en milieu de parcours. J’avais adoré mon expérience à deux roues dans la région de Thakhek au Laos et n’ai donc pas éprouvé de grande difficulté à me décider sur le choix de transport pour mon voyage en Thaïlande. Faut dire que le bus commençait à me taper sérieusement sur le système aussi. Je me lance, et après quelques dizaines de km un peu barbants, je commence à ouvrir grand les yeux. La route grimpe à travers les montagnes infinies d’une vallée verdoyante splendide. Les tournants s’enchaînent encore et encore, mais plus je prends de la hauteur, plus je prends du plaisir à conduire. Mes vieilles frayeurs à moto de l’époque ont pour de bon été balayées par la poussière des routes que j’ai parcourues en Asie et ce n’est que du pur plaisir. Bon pour le coup en Thaïlande, c’est plutôt super bien entretenu niveau réseau routier et un je ne dis pas non à un peu de bitume pour les 900 kilomètres que je parcourrai. 800 virages sinueux me guident vers ma première escale; la ville de Pai. Rizières vertes à perte de vue, montagnes infinies se surplombant les unes les autres, il ne m’en faut pas plus pour être comblée. Je rencontre un américain lors d’une pause en cours de route avec qui je passerai les deux premiers jours. Je ne dis évidemment pas non à la rencontre, mais quelque chose me guide inconsciemment seule sur d’autres sentiers. Sentiment de liberté suprême retrouvé. Au gré du vent, les heures passent, accentuées par mon regard avisé sur la route quand même mais bien plus attiré par ce qui passe sous mes yeux en dehors de mon premier champs de vision. Les dépassements de camions en tournant angle mort à la mode thaïlandaise me procurent tout de même une ou deux bonnes sueurs froides. Conduire en Asie, c’est à l’instinct, disons, et t’as plutôt intérêt à en avoir un bon d’instinct si tu veux pas finir dans le fossé.
Le Nord me convainc, allez j’avoue, la Thaïlande, c’est quand même sympa. #lameufquifaitsablasée. Coucher de soleil sur les versants du « Canyon » de Pai, qui bien qu’il soit très sympa, ne casse clairement pas deux pattes à un canard comme on dit. Disons qu’après l’expérience des canyons de l’Outback désertique australien quelques mois plus tôt, celui-là paraissait un peu timide. La lumière basse de fin de journée sublime tout de même la roche rouge contrastée par les formes montagnardes en toile de fond, ça reste assez apaisant pour se remettre des premiers 150 kilomètres parcourus. En rentrant de ma première soirée dans la charmante ville hippie de Pai, je récolte une autre américaine perdue en bord de route, qui malgré qu’elle ne brillait pas par sa franche intelligence, eut le mérite de bien me faire rigoler. On s’enjaille de ce qu’on a sous la main hein 🙂
Deuxième jour de route en direction de Mae Hong Son où je ferai quelques belles découvertes dans la région. Plus je m’écarte, plus je m’éloigne, plus la route devient superbe. Je me retrouve un peu par hasard et sans vraiment le calculer, au pied d’une des grottes les plus connues du coin, les Tham Lode Cave, que je visiterai à moitié en radeau en bamboo à moitié à pied, en compagnie d’un australien, croisé sur la route, de ma chère américaine lumière de la veille qui avait définitivement décidé de ne pas me lâcher par une heureuse coïncidence, et d’un couple de français. La route qui y mène traverse petits villages assez préservés aux allures relativement authentiques (ce qui parfois faisait défaut je trouvais en Thaïlande). Outre l’odeur insoutenable des merdes de chauve souris, la grotte fut d’une splendeur et d’une hauteur aussi épatante que vertigineuse. Plongés d’abord dans l’obscurité, nous discernons les formes généreuses d’un lieu empreint d’une certaine ambiance mystique. Éclairés ensuite à la lampe à gaz de notre petit guide local, nous grimpons sur de longs et hauts escaliers en bois qui conduisent aux recoins les plus cachés de cette grotte. Une belle escapade en cours de route qui valait sincèrement le détour. J’attends Mae Hong Son en fin de journée et rien ne peut mieux capturer le paysage, que la route illuminée par la chaleur de fin de journée. Je prends mon pied.
Je passerai deux nuits à Mae Hong Son où je ferai la rencontre d’un petit thaïlandais plutôt sympa qui me renseignera sur les choses à voir. Pont en Bamboo qui traverse les rizières, temples bouddhistes perchés en haut des collines, le cadre inspire le ressourcement et un certain lâcher prise. Même la ville au bord de lac m’apporta une certaine tranquillité. Je traînais une fatigue dont j’avais un peu de mal à me débarrasser et pris donc relativement mon temps pour me reposer dans les montagnes. Je ne pus malgré tout m’empêcher de remonter sur ma moto pour aller me perdre dans les néants du Nord, à mon plus grand plaisir. Les jours d’après, je continue d’avancer, à mon rythme, roulant indéfiniment au point d’en perdre la notion du temps, prochaine étape Mae Sariang puis Mae Cham. La route fut longue mais la route fut belle. C’est qu’il y en a des choses à voir dans la région, je recommande donc le Nord puissance dix mille.
Les nuances de couleur changent. Sans trop comprendre comment, je passe d’une vision colorée et luxuriante du Nord à un paysage aride et poussiéreux. Je traverse les feux de forêts qui bordent les routes de part et d’autre, me prenant presque parfois pour Indiana Jones, mais sans trop m’attarder non plus, histoire de ne pas me cramer l’arrière train. Alors il est vrai que certains agriculteurs brûlent annuellement certaines de leurs terres pour les fertiliser mais là, c’était clairement incendie général déclenché partout sur des dizaines de km et personne n’avait vraiment l’air de s’en inquiéter. Je croise les pompiers de Mae Chaem qui me répondent gentiment qu’ils sont en pause déjeuner. On la joue tranquille par ici. Plus grand chose ne m’étonne à vrai dire. Excusezzzz moi, votre montagne entière est en train de cramer. Ma petite dame tu vois bien que je mange mon sandwich non ? Imaginez cela chez nous, ça provoquerait un infarctus chez quelques uns. Mais c’est avec un sourire au final presque amusé que je poursuivis ma route, toujours plus loin. Chaque jour fut différent et en même temps il me devenait difficile de distinguer dans mon esprit tout ce qui s’y était déroulé.
Malgré le contraste des paysages, mon avant dernière journée à moto fut l’une des plus belles de mon roadtrip. En redescendant de l’autre côté de la vallée vers le petit village de Mae Cham, les panoramas montagnards semblent reprendre forme, de façon assez insolite. La nature semble renaître à travers son plus beau visage. Les champs redeviennent vivants et abondamment verts. Paradoxe assez étrange que je n’ai d’ailleurs jamais vraiment élucidé. Je rencontrais au jour le jour de nouvelles personnes avec qui je faisais un bout de chemin pour reprendre ensuite le mien. A la veille de mon retour pour Chiang Mai, je grimpa jusqu’au sommet le plus élevé de la Thaïlande, au coeur du parc national de Doi Inthanon en me perdant sur quelques sentiers de randonnée de la vallée. Ce fut un magnifique dernier aperçu de la région. Une belle semaine de découvertes qui m’offrit de nombreux beaux moments en Thaïlande de façon solitaire et accompagnée fréquemment à la fois. Un bon équilibre dont j’avais l’impression d’avoir réellement besoin à cet instant précis. Quitter tous ceux que j’avais rencontrés au Laos m’avaient un peu freiné dans certaines nouvelles rencontres. J’étais parfois usée de rencontrer pour dire au revoir, encore et encore. Un certain détachement temporaire permettait de manager cela à ma façon. Mon seul pilier resterait quoi qu’il arrive ma seule personne et il me devenait compliqué de me défaire sans cesse des repères que je me construisais sur la route et de l’intensité des moments partagés. Certaines discrètes subtilités du voyage solo, qu’il est difficile de mettre sur papier où même d’exprimer.
Le temps passait, les mois défilaient, plus mon carnet se remplissait, plus les souvenirs s’amplifiaient, plus je me rendais compte qu’il fallait plus que jamais profiter des derniers mois qu’il me restait sur la route. Et c’est bel et bien ce que j’ai continué à faire, me rappellant chaque jour la chance que j’avais, parfois me pinçant pour prendre conscience de la réalité dans laquelle je vivais depuis déjà depuis un an et demi. Bon on va éviter de verser une petite larme, l’heure n’est pas encore à la nostalgie. J’étais à l’aube d’une nouvelle et inattendue aventure dans un pays qui lui pour le coup, n’avait rien avoir. MYANMAR, ou autrement appelé la Birmanie. Retour à la civilisation pour rendre ma moto chérie et reprendre la route de Bangkok pour y aller prendre mon avion. Changement radical était à venir et surtout, surtout j’allais retrouver mon dodooo (Flo, meilleure amie de longue date) très prochainement. Ça promettait encore de sacrés émotions !
RDV donné dans quelques jours pour mon premier article au sujet d’un pays qui a complètement changé ma perception et habitudes de voyage, y a de quoi se marrer chez les Birmans, c’est promis, restez avec moi 🙂