Après un mois rempli d’aventures et d’émotions au Vietnam, il était temps de changer d’atmosphère. Bien qu’on apparente souvent Le Cambodge, Vietnam, Laos et la Thailande à un ensemble de pays de l’Asie du Sud-est plus ou moins similaire, j’ai pu, au cours de ce voyage, en expérimenter les nombreuses différences et subtilités respectives tant d’un point de vue naturel que culturel, religieux ou encore politique/gouvernemental.
C’est à l’aéroport de Hanoi, au Vietnam, que je retrouvais mon autre soeur, Manon, pour deux nouvelles semaines de voyage en famille (ça a des avantages d’avoir une soeur en tour du monde, toujours une bonne excuse pour prendre quelques vacances loin de tout 🙂 ). Notre vol commun jusque Luang Prabang ne durait qu’une bonne heure et dès que nous avions posé le premier pied sur le territoire laotien, le pays nous faisait déjà une belle impression. Luang Prabang, une des autres destinations d’Asie fort convoitées par les voyageurs, et on comprend vite pourquoi. Ambiance décontractée au bord du Mékong, nature environnante plutôt agréable et semblant de chaleur tropicale, Luang Prabang n’a rien à envie à aucune autre ville d’Asie. Il est d’ailleurs difficile de réaliser qu’on est vraiment en ville dû à l’aspect plutôt cosy de cette étape aussi belle en termes de paysages que de culture.
On s’y verrait facilement passer une petite semaine entre les cocktails, jus de pastèques et restaurants en tout genre offrant un coucher de soleil plus que mémorable. Le monde ne manque pas, certes, mais allez savoir pourquoi le lieu arrive à garder un certain charme malgré son attrait considérable bénéfique aux tourisme du pays. Il n’a fallu qu’un premier apéro et quelques discussions post-retrouvailles pour être déjà complètement gaga du Laos. Outre les temples bouddhistes dorés parmi les plus beaux du pays, la ville mêle une architecture coloniale française et une culture laotienne encore très présente qui, résultant de ce mélange, donne un assez beau résultat. Il s’y fait bon vivre, il n’y aucun doute ! Aucun rappel d’expérience aussi chaotique qu’épuisante souvent ponctuée en Asie par des villes surpeuplées, embouteillées, et modernes dans la mauvaise du terme, Luang Prabang offre une belle pause anti-stress loin de tout cela. Nous errons donc à notre guise dans les rues de Luang Prabang pour finir notre soirée autour de quelques verres au bord de l’eau qui finirent un peu plus tard que prévu. Nous y rencontrerons également Patrick, un suisse, avec qui nous passerons une bonne partie de la soirée à refaire le monde. On est définitivement jamais à l’abri de belles rencontres en voyage !
Fatigue (ou gueule de bois au choix), notre premier réveil au Laos n’est pas si évident que prévu. On parvient tout de même à se motiver pour partir explorer les alentours après un petit déjeuner qui aura plus ou moins pris deux heures. Si de base en Asie, les choses prennent du temps, au Laos, on atteint clairement un autre niveau. De quoi péter un coup et se détendre si vous ne voulez pas vous énerver d’impatience 5 fois par jours, faites moi confiance ( et tout le monde sait que ma patience générale avait de très fines limites, du moins il y a quelques mois) ! Et vas-y que je vais chercher les oeufs chez mon cousin, le pain chez le voisin, les fruits sur la rive d’en face, bref pas de soucis, on a le temps mon petit Monsieur ! Le temps de nous retaper un peu et nous enfourchions notre premier bolide local pour nous rendre jusqu’au Kuang Si falls, à une petite heure de route de là. On en regrette même pas le trajet, qui en lui-même valait déjà le détour. Les paysages montagnards habités par des petits villages restés avec le temps assez authentiques, offre une balade à scooter spectaculaire. Les chutes d’eau en elles-mêmes n’ont rien de trop moche non plus, jugez par vous même. Nous sommes déjà sans le savoir amoureuses de la région et cela ne faisait que commencer. On testé la fondue laotienne dans un superbe endroit cosy, de l’autre côté de la rive qu’on atteint par un pont en bamboo et ce fut littéralement un vrai régale. Quand je dis fondue, ne vous excitez pas, y a pas de fromage, juste de la viande et bouillon de légumes en tout genre sur une plaque de cuisson posée elle-même dans un mini barbecue encastré dans la table. Fromage, aaaah pourquoi j’ai parlé de fromage #grosmanque, reconcentrons nous où il y a des connections qui vont sauter là haut, rien qu’en pensant à tout ce que j’ai envie de manger depuis des mois/années.
Au Laos, plus qu’ailleurs je pense, parcourir le pays prend du temps, je veux dire vraiment du temps. Impossible donc de courir d’un bout à l’autre du pays, espérant en voir les moindres recoins, il est essentiel voir obligatoire de faire des choix de voyage, orientés selon les priorités de chaque esprit de baroudeur. Notre réflexion s’était d’avantage tournée vers la région de l’extrême Nord du pays dont j’avais entendu beaucoup de belles choses, bien que peu fréquentée. Premier « gros » objectif donc : Phongsaly. A la limite de la frontière chinoise, il y a autant de treks à faire que de minorités ethniques à rencontrer. Le tout englobé de pas beaucoup de touristes, voire pas du tout, pas de doute, c’était bien pour nous !
Mais jusque là, ce fut une longue, épuisante, épatante, surprenante expédition. On comprendra après coup pourquoi peu de gens montent jusque là. Le premier tronçon nous guide jusqu’au Nong Khiaw, petit village à 4 ou 5h de Luang Prabang. Le bus part, évidemment en retard, est surbondé au point que t’as l’impression d’être assis sur ton voisin, mais bon ça fait parti de l’expérience ! Plus nous montons au Nord, plus évidemment il fait froid. On range nos débardeurs et shorts d’été pour sortir nos écharpes et bonnets, ou comment changer de climat en moins de 24h. Nous évitons la pluie, et malgré un brouillard ainsi épais, Nong Khiaw reste d’une beauté qu’il n’est pas difficile de contempler indéfiniment. On y passera deux nuits et notre séjour nous permit pleinement de découvrir le coin. Entre randonnée à travers une forêt sauvage digne du monde Tarzan et visites de grottes autrefois utilisées pour se cacher pendant la guerre du Vietnam, Nong Khiaw nous offre un premier bel aperçu du Nord.
Le Mékong et autres voies fluviales qui en découlent constituent ensemble l’âme du Laos, plus que jamais. Les options de voyage en bateau sont présentes quasi dans l’entièreté du pays. Il était donc inconcevable de ne pas l’intégrer dans notre itinéraire de voyage. Quelques maigres bateaux au seul embarcadère de la ville propose donc des départs vers le Nord ou le Sud. Afin de poursuivre notre traversée, c’est donc à bord d’une spacieuse et luxueuse barque locale à moteur que nous grimpons pour rejoindre Muang Khua au matin. Et c’est un vrai sketch matinal où s’entasse donc une bonne vingtaine de personnes tel un chargement de bétail.
J’ai évidemment oublié de préciser que notre temps de navigation était estimé à 7h. Autant vous dire qu’y a intérêt à être motivé. Restons optimistes. Bon la bonne nouvelle, c’est que tout le monde devient rapidement copains de voyage, étant donné la proximité qui nous lie tous dès les premières cinq minutes. Après une bonne heure de trajet, le bateau se vide des touristes à hauteur du petit village de Muang Ngoy, accessible uniquement par l’eau. Et alors que nous espérons naïvement nous voir offrir plus d’espace, c’est un autre chargement de personnes, cette fois de locaux qui se produit sous nos yeux. Outre les conditions quelques peu précaires de l’affaire, ce trajet nous offre des images plus sauvages que jamais d’une nature très peu touchée par l’homme. Je me souviens encore des paroles de Manon pendant notre périple « Je ne pense pas avoir vu un jour un environnement si sauvage ». Une fois que nous arrivons plus ou moins à faire abstraction des fourmis dans nos jambes et dans tout le reste de notre corps, on peut donc véritablement se perdre dans le décor. Les heures filent et hypnotisent nos yeux et notre esprit d’images aussi belles que rares. Les locaux descendent peu à peu du bateau au fur et à mesure que nous traversons les quelques villages à peine visible depuis l’eau et nous comprenons que malgré les apparences, il y a l’air de rien du monde qui vit au milieu de cette jungle qui s’étend de part et d’autre des deux rives.
Nous ne comptons plus les arrêts mais notons tout de même notre progression sur la Nam Ou River qui finit par toucher à sa fin, aux environs de 17H. Une longue et épuisante journée qui malgré tout ce qui l’entoure, nous a laissé un mémorable souvenir. Nous ne ferons halte qu’une nuit à Muang Khua qui n’abrite que quelques guesthouses et restaurants. Le temps de se « reposer » avant d’entamer notre dernière étape vers Phongsaly, que nous décidons de parcourir en bus. L’option du bateau pour cette étape étant légèrement remise en cause par la forte probabilité de ne pas arriver à temps pour attraper le dernier bus qui rejoint la fameuse unique ville du Nord.
Au petit matin, nous attendons au croisement principal de Muang Khua, un supposé tuk tuk taxi qui est censé faire le trajet jusqu’à la « gare » la plus proche. Enthousiastes et sans trop comprendre d’où il sort, nous trouvons sans souci majeur celui-ci qui nous conduit bel et bien jusqu’à notre arrêt de bus, qui mettra lui aussi une bonne heure et demi à démarrer. On prend son mal en patience avec du café soluble dans un hamac et on tente de s’adapter au mode de voyage local. Chargement en tout genre pour ne pas faillir à la règle, plus grand chose ne nous étonne jusque là. Encore deux bonnes heures plus tard, c’est à une autre station de bus que nous attendrons notre supposé dernier transport jusque Phongsaly. Personne ne pète un mot d’anglais et on comprend bien qu’hormis attendre sans trop d’espoir, nous n’avons pas grand chose à faire. Le tout est de l’accepter, une fois cette étape franchie en tête, rien ne parait plus vraiment stressant. Et l’avantage, c’est que comme on ne sait pas communiquer avec grand monde, on a aucune idée de quand ce fameux bus arrivera, ce qui évite de donner de faux espoirs.
On s’ouvre une bière, on picore des graines comme des oiseaux, on joue avec le gamin du banc d’à côté, on tape des micro siestes, quand soudain après 5h heures au milieu de nulle part, tel un miracle descendu du ciel, notre bus finit par arriver. Nous ne sommes pas au bout de notre peine vu qu’il faudra encore un bon 7h de trajet sur les routes sinueuses de montagne à 30km/h pour finalement arriver de nuit aux alentours de 23h à Phongsaly. Tout compte fait, on aurait peut être du prendre le bateau haha. Arrivée tardive, nous sommes encore à 3km du centre et après un rateau phénoménal que nous nous prenons dans l’espoir de trouver une bonne âme charitable qui nous conduira jusqu’à n’importe quel hôtel de la ville, nous commençons à marcher.
Alors que je vois l’heure tourner et que je réalise qu’il n’y aura probablement plus rien d’ouvert à cette heure-ci, un petit bonhomme en scooter débarque et nous offre de nous dropper. Du moins, c’est ce que nous comprenons. Je regarde Manon, elle me regarde, on se regarde. Première pensée, no way. A 3 sur un scooter avec nos sacs et un mec qui rentre probablement de je ne sais pas quel bar, impossible. Mais impossible n’est pas vraiment une notion asiatique en terme de transport. Et je me suis fait la réflexion à de multiples reprises au Laos, vous croyez qu’il n’y a plus de place et pourtant ils vont quand même réussir à vous charger une famille de plus avec toute sa ferme d’animaux et sa maison avec. J’en viens donc à la conclusion que oui il y a moyen et de toute façon, ce n’est pas comme si on pouvait vraiment se permettre de refuser la seule aide qui nous était offerte. Confiance, avoir confiance. Trois longs km, tenant à l’arrière, d’un bras mon sac de 14kilos, du bout de l’autre, celui de Manon, qui elle est compressée entre le chauffeur et moi. Je suis même pas certaine que j’étais vraiment assise sur le scooter en y repensant. Notre sauveur du jour appelle un de ses potes qui nous offre finalement les portes d’une guesthouse, rustique certes, mais avec deux lits et c’est tout ce dont nous avions besoin à ce stade là de la journée pour être honnête.
Nous nous autorisons un jour de pause et de récupération avant de se lancer dans le fameux trek pour lequel nous avions fait tout ce chemin. La ville n’a rien de particulier en soi, à l’exception d’une influence chinoise notoire qui se remarque plus ou moins à travers tous les établissements, qui de toute façon, ne sont pas en grand nombre. Pas de choix ici entre 40 guesthouses ou 150 restaurants, on trouve rapidement notre petit boui boui préféré qui fera office de QG et on a beau cherché (ou pas), nous n’apercevons aucun voyageur. Petite randonnée et organisation/préparation psychologique à notre future expédition, nous arrangeons les derniers détails avec la seule agence touristique de la ville. C’est pour dire à quel point le tourisme n’a ici pas beaucoup de place, et c’est tant mieux. Il est devenu rare de tomber sur de tels endroits si peu exploités en Asie. Au surlendemain de notre arrivée à Phongsaly, nous nous mettons donc en route avec notre guide local. Un bus (pas besoin de vous redécrire l’affaire du bus, plus on s’éloigne au Nord, moins c’est confortable), un plat de nouilles en guise de petit déjeuner, puis un autre bus, puis un bateau et nous voila enfin prêtes à commencer à marcher. Nous nous sentons déjà loin de tout, et ce n’était pourtant que le début. Les deux/trois premières heures de randonnée sont assez difficiles compte tenu de la chaleur et de la pente mais nous grimpons, petit à petit. Nous arrivons finalement au premier village Akha de notre route que nous ne ferons que traverser ce jour là.
Le ton est donné, plusieurs ensembles de maigres huttes perchées sur les hauteurs montagnardes, on sent bien qu’on a pénétré dans un tout autre monde. Pas de magasin, café, ou même de boui-boui, ici il n’y a que des villageois qui vivent, à leur manière, donnant presque l’impression d’être radicalement et d’une certaine façon volontairement, coupés du reste du monde. Nous poursuivons notre ascension, les sentiers deviennent de plus en plus étroits, longeant les raides vallées sous nos pieds et nous nous enfonçons de plus en plus dans cette région complètement intemporelle, mais surtout, sublime. Nous ne croisons que quelques femmes Akha en costume traditionnel, tissant, portant du bois, ou occupées à je ne sais encore quelle autre tâche. Nous comprendrons plus tard que si nous en voyons si peu, c’est qu’elles sont toute la journée dans les champs et ne rejoignent donc les hommes au village que le soir. Rien n’est ici touristiquement mis en scène, tout est juste vrai, authentique, extrêmement différent des normes que nous connaissons. J’ai eu, à plusieurs reprises lors de mon voyage, l’opportunité et la chance d’aller à la rencontre de différentes minorités ethniques, mais je dois bien dire que cette nouvelle découverte marqua différemment le coup. Quelque chose y était radicalement différent, atmosphère ambiante indéfinissable.
Nous nous arrêtons pour le lunch qui, à notre plus grand plaisir, fut un réel festin. Au menu, nouilles (ce fut la partie la plus mangeable de l’affaire), peaux de buffles au BBQ en guide de snack (entre la texture disons spéciale, le goût totalement indéfinissable et la solidité de la peau en elle-même toujours recouverte des poils évidemment, j’ai un peu du mal à vous identifier de manière détaillée l’impression que cela nous a laissé en bouche, bon appétit ! ), poissons pas frais trimbalés depuis quelques heures dans le sac de notre adorable guide, bref nous étions gâtées.
Tentant de n’offusquer personne ou de faire quelque chose qui pourrait sembler irrespectueux, nous nous exécutons donc à la tâche délicieuse de la dégustation. Heureusement (ou malheureusement, je n’ai toujours pas décidé),on eu droit aux traditionnelles tournées de shot de whisky local, qui bien que, de prime abord ne nous disaient pas grand chose, ont probablement eu le mérite de désinfecter le tout dans notre estomac, en plus de nous donner un brin de courage pour la suite. Bref, le lunch, une expérience à part entière. On voulait de l’authentique, et ben on peut vous garantir que nous n’avons pas été déçues !
Nous remettons nos sacs sur le dos pour poursuivre pendant une bonne heure et demi de marche, jusqu’au prochain village, qui nous enchantera totalement, même si je ne suis pas certaine que le terme soit approprié. Aux airs d’une mini vallée des hobbits, version Akha (t’avais jamais imaginé ça hein ? Et ben nous non plus!), le village s’illumine simplement au milieu d’un panorama à 360 degrés qui vous coupe, littéralement, sincèrement, le souffle. Pendant toute notre journée, je n’ai pas eu le souvenir d’avoir parlé ou pensé à quoi que ce soit d’autre que ce que nous étions entrain de vivre. Impossible d’être, de n’importe quelle façon, ailleurs que là où nous nous trouvions.
Une bonne façon de dire que l’expérience nous prenait assez aux tripes pour avoir l’instinct de la vivre pleinement. Le dépaysement est tel qu’on a du mal parfois à y trouver sa place. Une telle culture au milieu de si somptueux paysages, c’est un coup à vous déconnecter le cerveau pendant quelques heures, où à l’animer d’avantage, au choix. Bref, j’espère que vous l’avez compris, nous sommes comblées. Nous terminerons finalement notre ascension jusqu’au troisième et dernier village de la journée où nous logerons chez l’habitant pour la nuit. La fin de journée, fut joyeusement, déroutante. Nous passons la fin d’après-midi sur les sommets des collines, jouant avec les enfants, insouciants, qui courent dans tous les sens, ou simplement assises face au spectacle qui nous est offert. On se balade dans le village, tous les yeux rivés sur nos deux visages qui contemplent ce qui est, pour eux, leur quotidien.
On en apprendra beaucoup sur les croyances, traditions, langage et autres spécificités en tout genre des populations Akha. Notre guide a cette façon de parvenir à nous intégrer, sans trop que nous nous sentions mal à l’aise ou intrus. Coucher de soleil merveilleux. Désolé, je n’ai aucun mot pour mieux le décrire, et il était au même niveau que le ciel étoilé de quelques heures plus tard. Quelle journée… Nous mangeons avec les membres de la famille qui nous accueille à l’intérieur d’une maison aussi enfumée que c’est à peine si on peut voir son voisin sans avoir l’impression de le faire pleurer. Enfin nous mangeons avec les hommes de la famille, les femmes restant discrètement à l’arrière en attendant leur tour pour diner, toujours à l’écart, et plus tard. J’ai juste envie de lui dire allezzzz viens copine, mais non, non, ça ne se fait pas. Difficile de faire face à certaines de ses convictions personnelles en respectant celles des autres parfois, surtout dans des communautés si reculées.
On ne pose pas le basket de riz sur la « table » au risque d’attirer les mauvais esprits, on ne refuse pas un tel verre d’alcool, on ne, on ne…, fait rien qui puisse être susceptible de mal passer. Sauf que parfois, c’est tellement lointain pour nous qu’on y penserait même pas ! Bref, nous tentons de maîtriser chacun de nos gestes afin d’éviter quelconque incident diplomatique, ou en l’occurrence spirituel/religieux, on s’adapte quoi. Nous avons malgré tout éviter la catastrophe avec l’épisode, on ne va pas avec ses chaussures même en main sur le semblant de sol surélevé qui sert de paillasses. Alors que Manon y était « montée » pour chercher quelque chose dans son sac, notre guide préféré me glisse à l’oreille qu’il faut cesser ça immédiatement où le chef du village devra sacrifier un cochon ou une vache, je ne sais plus, le lendemain matin. Stop, stooop, alors je veux bien on est ouvert d’esprit tout ça tout ça, mais là faut quand même m’expliquer le rapport choucroute de l’affaire. Et ben le rapport Madame, c’est que si tu vas avec tes putains de chaussures dans ce coin là de la maison, le lendemain c’est cérémonie traditionnelle générale et sacrifice pour régler l’affaire et puis c’est tout ! Accepter, d’accord, accepter que certaines choses nous dépassent.
C’est une nuit, certes peu réparatrice, mais bonne à prendre tout de même, que nous passons à l’intérieur de la hutte familiale. Des images, une tonne d’informations en terme d’apprentissage et des dizaines souvenirs plein la tête. nous finissons tant bien que mal par trouver le sommeil. « Bien dormi ? » Ouiii, super, mon cul ouai. Mais il faut dire que nous n’avions guère envie d’oser chouiner au petit matin, ayant entendu ce bébé de moins de deux ans pleurer toute la nuit, hurlant de douleur suite à une brûlure à un degré qui ne serait probablement même pas supportable pour nous. Et sa petite main, et ben c’était vraiment, vraiment pas beau à voir. Certains de ses doigts étaient noirs et comment dire, bah c’est pas bon signe. Autant dire qu’il n’y a ni médecin, ni hôpital, ni pharmacie là haut. A l’exception de l’utilisation de certaines médecines naturelles, rien n’est en place. On réalisera ensuite que notre guide local joue le rôle de médecin à chaque fois qu’il part en trek et passe par les villages. Il nous explique que parfois il essaye de se renseigner en ville, de s’instruire un peu médicalement, histoire de pouvoir un brin les aider. Une adolescente de la même famille a un problème d’oreille, et ça n’a pas l’air sympa à endurer non plus. Notre guide nous explique qu’il ramènera de quoi la soulager au prochain trek, dans une semaine, trois ou peut-être plus longtemps selon s’il y a des touristes qui viennent à Phongsaly ou non. Et ben je peux vous dire que même si aucun système n’est parfait, on bénit le nôtre dans ces moments là et on ferme bien sa gueule surtout. Qu’est-ce qu’on se sent impuissant, à filer notre pauvre cicaplast ou baume du tigre qu’on a dans notre sac…
Soit…Revenons donc à notre récit… Petit déjeuner assez matinal identique au repas de la veille, du riz, des semblants de panais et un truc verre non identifié. Bien que je ne souffre en général pas trop du manque de confort, j’avoue que certaines conditions me retournent tout de même parfois un peu la ventre. Alors que j’aperçois les morceaux de viande qui pendent dans la maison, pas très loin de nos têtes, je me convaincs moi-même de rester focus sur la magnifique et différente vue du village que nous avons en cette deuxième journée. Nous sommes toujours aussi haut, mais cette fois, nous sommes au dessus des nuages. On se croirait au bout, ou plus tôt sur le toit du monde. Nous remercions chaleureusement nos hôtes et reprenons notre route de retour, sur le même sentier que la veille pour redescendre jusqu’au bateau. Bien que nous sommes déjà passés par là, on ne se lasse pas de la randonnée sportive malgré nos muscles un peu fatigués.
On se réarrêtera dans le premier village que nous n’avions que traversé la veille, on visitera aussi une « école » sur le chemin. Il n’y a pas tellement d’enfants qui y vont comparés au nombre total vivant dans le village. Notre guide nous expliquera que certains parents ne veulent pas y envoyer leurs enfants car ils ne pourront de toute façon pas aller à l’école après le premier niveau, étant donné qu’ils n’en ont pas et jugent donc ça inutile. On pourra malgré tout les voir apprendre à écrire et à parler le laotien (qui est bien différent du langage Akha qui d’ailleurs ne se pratique qu’à l’oral et n’existe simplement pas à l’écrit), ce qui leur permettra tout de même de descendre en ville de temps en temps à Phongsaly plus tard, selon les besoins. « Grâce » à la nouvelle route construite par les chinois (toutes les routes et barrages en tout genre au Laos sont d’initiative chinoise et les travaux sont en masse à travers tout le pays, ce qui je vous le garantis, n’a clairement pas que du bon), les premiers villages sont désormais plus facilement accessibles alors qu’autrefois il fallait 3 jours, rien que pour se rendre au village où nous avions dormi. Et si nous avions l’impression d’avoir déjà été au bout du monde, c’est sans considérer les multiples autres villages, parfois à des jours de marche bien plus loin, que là où nous sommes allés.
La deuxième journée fut aussi intense que la première et on éprouvera quelques difficultés à réatterir dans le monde « réel » après cette fameuse et inoubliable expérience. De retour à Phongsaly, repas toujours aussi varié (tu prends des riz ou des nouilles sautées ? Oulala grosse décision ici) à notre QG préféré, et dodoooo. Car dès le lendemain, nous devons reprendre la route vers Luang Prabang qu’on exécutera en une seule journée (et vous vous souvenez combien de temps on a mis à monter jusque là, pour vous resituer la distance ou plutôt le temps de trajet). Bus d’une durée de 14h pour parcourir 425km. Je ne vous raconte pas comment ça n’a pas été qu’une partie de plaisir. Heureusement qu’on avait encore un peu la tête perdue dans nos pensées des derniers jours pour nous tenir occupée. Retour nocturne à Luang Prabang. Et alors que nous avions au début adoré la ville, l’agitation touristique nous paraissait soudainement un peu trop décalée, comparé à ce que nous venions de vivre lors de notre première grosse semaine de voyage au Laos.
C’est pour un tout autre type d’aventure que nous repartions le lendemain à travers la région de Sainyabouli/Saryabouli pour aller découvrir la magnifique réserve du seul centre de conservation d’éléphants du Laos. Changement de registre mais aussi d’article car celui ci fut déjà bien assez long 🙂 En espérant ne pas vous avoir perdus en route, je vous dis à très bientôt pour la suite de mon voyage au Laos qui m’aura totalement transporté jusqu’à la fin…